Le Secret de l'enclos du Temple
incroyable !
Bussy les fit asseoir dans la grande salle et demanda à son valet du vin de Suresnes.
— Il s'agit d'une dame, monsieur le comte, chuinta le vieillard. C'est une veuve qui habite le quartier. Elle se nomme Mme Marie Bonneau de Miramion. Un de mes amis, moine à la Merci, son confesseur, m'a rapporté qu'elle vous a aperçu quelquefois devant le Temple, et qu'elle vous trouve à sa convenance…
Bussy se rengorgea. Il est vrai qu'il était bel homme, et qu'il plaisait aux dames.
— Mais cette dame a-t-elle du bien ? demanda-t-il.
Des bonnes fortunes, il en savourait souvent. Ce dont il avait besoin maintenant, c'était de faire un mariage qui assurerait son avenir !
— Plus qu'il n'en faut, Roger ! lui assura son oncle. Elle est riche à millions !
— Quel âge a-t-elle ? s'inquiéta Rabutin, songeant que la veuve était sans doute très âgée.
— C'est une veuve de dix-neuf ans qui a une petite fille.
Rabutin se sentit fort guilleret. Il osa une autre question :
— Mais… est-elle jolie ?
— Comme un ange qui aurait un corps de déesse ! Évidemment, il vous faudrait la voir pour vous faire une idée.
— Évidemment !
— Venez demain à la messe à la Merci. Elle y est toujours à dix heures avec sa famille, je vous la désignerai.
— J'y serai !
— Seulement, il y a un problème… chuinta alors Leboccage.
— Ah ! fit Bussy qui comprenait que l'affaire était trop belle.
— Elle n'osera rien sans le consentement de ses parents qui veulent absolument qu'elle épouse un homme de robe.
— Mais, je suis comte ! La noblesse des Bussy est l'une des plus anciennes de France, se rengorgea-t-il. Comment préféreraient-ils des robins ?
— Je parlerai à ses parents afin de vous faire agréer d'eux, et à la dame pour, au moins, la persuader de disposer d'elle-même.
— C'est que je ne vais pas rester à Paris. Le temps de la campagne approche, remarqua le comte.
— Partez tranquille pour l'armée, je vous écrirai et vous donnerai avis de tout.
Le lendemain, Bussy se rendit à la messe. Leboccage le présenta à un moine de la Merci, le père Clément, qui lui promit son assistance en échange d'un don de quelques écus pour les pauvres de la paroisse. Il lui montra ensuite la jeune veuve, Mme Marie Bonneau de Miramion. Que M. de Bussy trouva fort à son gré.
93 Kairos, dieu de l'opportunité, n'avait qu'une touffe de cheveux à l'avant d'une tête chauve. Il fallait la saisir lorsqu'il passait.
94 Le chancelier avait trois filles. Marie, marquise de Coislin, Charlotte, duchesse de Sully, et Louise, duchesse de Luynes.
95 L'actuel lycée Louis-le-Grand.
96 Voir Le Mystère de la chambre bleue , éditions du Masque.
97 La Confrérie de l'index , dans L'Homme aux rubans noirs , éditions J.-C. Lattès.
24
L 'arrestation des deux criminels accrût encore la renommée de M. de Tilly, ainsi que celle de Louis Fronsac, Gaston ne cachant à personne que son ami l'avait mis sur la voie. Le prévôt de l'Hôtel le complimenta, mais il n'eut pas l'occasion de revoir le chancelier car la reine l'avait chargé d'aplanir le conflit entre la Cour et le Parlement.
Le 2 avril, M. Séguier reçut les représentants des quatre compagnies 98 pour parvenir à un accord. Dès lors, les choses semblèrent s'arranger puisque Séguier était un ancien président du Parlement. Le premier président M. Molé ayant insisté afin qu'on respecte l'antique loi du royaume – les impositions s'ordonnent par le roi et se vérifient au Parlement –, la Cour parut prête à tenir compte des remontrances des parlementaires. En échange, l'avocat général Omer Talon demanda aux conseillers les plus turbulents plus de respect et de soumission envers la reine.
La négociation conduite par M. Molé et le président de Mesmes, frère du comte d'Avaux, l'ancien surintendant des Finances, porta d'abord sur les gages non payés et le rétablissement de la paulette. Molé invita la reine et le cardinal à plus de souplesse histoire de ne point ébranler le Parlement qui est entre les peuples et les rois .
Le premier président fut entendu puisque, le 7 avril, Particelli d'Émery se vit remplacé dans sa charge de contrôleur général des Finances par son beau-frère jusque-là intendant de la généralité de Paris. Cette dernière charge fut en même temps cédée à Nicolas Fouquet, à qui Mazarin l'avait promise.
Finalement, le 30 avril, après de rudes
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