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Le Secret de l'enclos du Temple

Le Secret de l'enclos du Temple

Titel: Le Secret de l'enclos du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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l'esprit et tentèrent de le modérer, mais il ne les écouta pas. Au contraire, il annonça avoir envoyé quérir son ami Miron, colonel du quartier de Saint-Germain-l'Auxerrois, et avertit que l'heure d'entrer en guerre contre la Cour avait sonné. Les plus craintifs se retirèrent. Aussi ne restait-il auprès de lui qu'une poignée de fidèles lorsque le coadjuteur exposa son plan.
    — Il faut, dit-il, que dans le quartier Saint-Germain-l'Auxerrois chacun prenne les armes sitôt que battra le tambour. M. Miron a appris que la Cour allait placer des Suisses et des chevau-légers partout entre le Pont-Neuf et le Palais-Royal afin de s'assurer des parlementaires. Il convient d'empêcher le chancelier Séguier d'atteindre le Parlement. Quoi qu'il en coûte, les troupes royales ne doivent pas franchir le Pont-Neuf.
    Miron s'y engagea. Il promit l'édification de barricades dans la nuit et de poster quatre cents bourgeois entre la rue Saint-Honoré et le Pont-Neuf.
    Guy Joly promit à son tour de convaincre les magistrats et les bourgeois de la Cité d'agir de même. Un autre jura de tenir les Halles et encore un autre l'Université.
    Enfin il fut convenu qu'un groupe armé occuperait la barrière des sergents, derrière une barricade, et empêcherait tout passage venant du Palais-Royal, tandis qu'une autre troupe se saisirait des quais de la rive gauche jusqu'à la porte de Nesle.

35
    F ontrailles souffrait le martyre quand on le ramena à l'hôtel de La Rochefoucauld. Sa casaque de buffle avait empêché la balle d'entrer dans la chair mais le choc avait brisé l'os et provoqué une contusion. Après avoir remis ce dernier en place, le médecin de M. de La Rochefoucauld le saigna et lui fit prendre quelques grains de pavot pour calmer la douleur.
    Le marquis se reposait depuis un couple d'heures quand il fut réveillé par Montrésor.
    — Je viens prendre de tes nouvelles, mon ami ! fit ce dernier en s'asseyant sur son lit.
    — Je survivrai ! Et d'après le chirurgien, je retrouverai l'usage de mon bras dans moins de deux mois. Mais dis-moi, Broussel a-t-il été libéré ?
    — Non. M. le coadjuteur est parvenu à calmer la foule, mais n'a rien gagné à son expédition. Mme de Motteville m'a dit que la Cour le jugeait responsable de l'émeute et qu'il serait puni.
    — Est-elle vraiment terminée ? demanda Fontrailles.
    — Il n'y a plus une âme dans les rues, sauf à quelques carrefours où les chaînes sont tendues. Mais le feu couve sous la braise. La reine se persuade de pouvoir faire pendre qui elle veut, mais si elle fait arrêter le coadjuteur, je ne parierais pas un liard sur elle ni sur Mazarin.
    Après son départ, Fontrailles reprit deux grains de pavot et s'allongea un long moment afin de réfléchir. Lorsque sa blessure le fit un peu moins souffrir, il décida de se rendre au Petit-Maure .
    *
    Comme il faisait déjà nuit, un valet l'accompagna jusqu'à la porte du cabaret avec une lanterne. Quand Fontrailles entra, il y avait encore une belle affluence. On n'y parlait que de l'émeute et de la libération de Broussel.
    Réprimant les élancements de douleur, le marquis balaya la salle des yeux avant de circuler entre les tables. Il aperçut enfin trois hommes, chapeau enfoncé en dessous des oreilles et vêtements usés et déchirés, fumant de longues pipes dans une encoignure de la salle. Ils ne ressemblaient en rien aux basochiens turbulents et aux gens de lettres qui fréquentaient habituellement le cabaret. C'étaient ceux qu'il cherchait. Il se dirigea vers leur table.
    — Monsieur le marquis, je vous attends depuis deux heures, grinça une voix.
    Fontrailles s'assit difficilement sur le banc devant lui. Les deux compagnons de celui venant de parler eurent un mouvement de recul en découvrant le nain difforme au nez écrasé et à la peau blanchâtre.
    — J'ai eu un accident.
    — Quoi donc ?
    — On m'a tiré dessus. Mon bras est cassé.
    — J'ai connu pire, fit la voix. Et à cause de vous.
    Celui qui parlait avança son visage vers la chandelle de suif engluée sur la table et Fontrailles put découvrir sa face défigurée, avec un œil en moins. Il s'agissait du Grand Coesre en personne. Avant d'être roi d'Argot, cet homme appelé l'Échafaud était le chef de la bande de pendards qui, aux ordres du duc de Beaufort, s'était attaquée à Mazarin sur le pont du Louvre 130 . Mazarin avait tiré sur sa face à bout pourtant et on avait jeté son corps dans la Seine,

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