Le Secret de l'enclos du Temple
loquace :
— Il y a plusieurs mois, monsieur, alors que je me confessais. Habituellement, je vais au premier confessionnal libre dans l'église. Je ne sais pas si je m'étais déjà confessée à ce prêtre, puisqu'on ne les voit jamais, mais ce jour-là, il m'a dit que mes fautes l'effrayaient. Il m'a donné de nombreuses pénitences. La semaine suivante, il m'a dit avoir beaucoup prié pour mon salut, mais qu'il n'était pas certain que ses prières aient été suffisantes. Il m'a alors suggéré d'offrir un écu à la Vierge pour faire brûler un cierge.
— Comment l'aviez-vous revu ? demanda Gaston, puisque vous ignorez quels sont les prêtres dans les confessionnaux…
— Il m'avait dit qu'il voulait à tout prix sauver mon âme, que je ne devais désormais m'adresser qu'à lui. Pour cela, je devais regarder dans les confessionnaux quand j'entrais dans l'église. Il serait dans celui où se trouverait affichée une image de saint Pierre.
— Vous vous confessiez toujours à la Merci ?
— Depuis un an environ, monsieur, ainsi que mon mari. J'y vais tous les vendredis avant vêpres, et lui quand il n'est pas de service.
Elle eut une nouvelle et effrayante quinte de toux.
— Et vos fautes étaient telles qu'on ne pouvait vous pardonner avec deux patenôtres et un Ave Maria ? s'étonna Tardieu, cyniquement.
— Je ne sais pas, monsieur. Ce prêtre me posait beaucoup de questions. Il exigeait que je réponde à toutes, que je lui confie mes pensées les plus profondes.
Gaston connaissait ça. Au collège de Clermont, les jésuites avaient tenté ce jeu avec lui. Mais il avait toujours été plus adroit qu'eux et, depuis, ne se confessait qu'une fois l'an à un prêtre sourd.
— Vous reconnaîtriez sa voix ? s'enquit-il.
— Peut-être, monsieur, mais les voix sont déformées à travers la grille du confessionnal.
— Tout cela s'est passé quand ?
— La première fois, ce devait être en mars, ou en avril, monsieur.
— Continuez…
— À chaque confession, le prêtre prétendait que mes péchés étaient trop lourds. Qu'il ne savait plus que faire pour m'aider. J'étais désespérée, j'ai donné un écu pour un cierge, mais il m'a dit que ce serait insuffisant pour m'absoudre. Devant ma détresse, il m'a promis que pour cinq écus, il ferait dire des messes.
« J'ai accepté. J'ai vendu une de mes robes et il m'a donné l'absolution. J'ai essayé de ne plus pécher, monsieur, sanglota-t-elle, mais à chaque confession, il fouillait tellement mon esprit qu'il trouvait de nouvelles fautes auxquelles je n'avais même pas songé. Et je devais demander de nouvelles messes pour être pardonnée par Notre-Seigneur.
— À cinq écus ? demanda Gaston, sans dissimuler son ironie.
— Oui, monsieur, c'est que le pardon coûte cher ! J'ai vendu des pots en étain mais mon mari s'en est aperçu. Il m'a battue. Je voulais mourir… Puis un jour, le prêtre m'a dit que j'avais trop de mauvaises pensées. Que mes fautes étaient trop graves et ma contrition insuffisante. Il ne pouvait plus me préserver de la damnation éternelle. J'ai pleuré toute la semaine, puis je suis revenue le supplier de m'aider. Il m'a déclaré que j'étais sans doute possédée et que c'était au Démon que je devais demander ma grâce.
— Et vous avez cru ça ? ricana Tardieu.
— Mais j'étais vraiment possédée, monsieur le lieutenant criminel ! Je le sentais bien, je ne pensais qu'au mal ! Le diable était en moi ! Le père m'a expliqué que le diable acceptait parfois de rendre les âmes qu'il détenait en échange d'une offrande.
— Il vous a expliqué de quelle offrande il s'agissait ? demanda Gaston.
— Oui, monsieur. Un sac de cuir contenant de la poudre d'or.
— Pourquoi de la poudre d'or ?
— L'ignorez-vous, monsieur ? Il n'y a que la poudre d'or que le Malin peut rapporter en enfer. Il a besoin de s'en saupoudrer pour passer dans l'au-delà.
Gaston hocha lentement du chef, effaré par tant de crédulité.
— Vous n'avez jamais pensé que cet homme se moquait de vous ?
— Pourquoi, monsieur ? s'étonna-t-elle. En obéissant au père, non seulement je me libérais, mais j'allais enrichir mon mari.
— L'enrichir ? s'étonna-t-il.
— C'est ce que le père m'a dit, monsieur. Quand le Démon a trouvé un humain qui lui donne cette poudre d'or tant désirée, non seulement il laisse cet humain tranquille, ce qui signifie qu'il ne péchera plus jamais, mais
Weitere Kostenlose Bücher