Le Secret de l'enclos du Temple
séparées.
Cette fois-ci, ce fut Aubray qui posa les questions. Gaston n'apprit rien qu'il ne sût déjà. La femme de Campi assura ne rien savoir du massacre. Elle jura avoir juste attendu les deux hommes pour les aider à porter leur butin. En vérité, reconnut plus tard Dufresne, il avait voulu qu'elle soit là car il craignait d'être arrêté par le guet. Elle pouvait dissimuler le produit du vol sous sa robe et les archers du guet ne suspecteraient pas une femme avec son mari.
Sur une question de Gaston, elle reconnut en outre que Dufresne était son amant et qu'il allait faire annuler son mariage. Sous la menace de la question, elle avoua aussi l'avoir aidé une fois à dévaliser un marchand dans le bois de Vincennes en faisant arrêter sa monture.
85 Fer creux dans lequel on introduisait des braises pour repasser les vêtements.
86 Un peu moins de 4 kilogrammes.
87 L'échelle patibulaire du Temple était un pilori servant à exposer les criminels condamnés par la justice du Temple.
88 Les chirurgiens étaient dits de robe longue. Les robes courtes étaient les barbiers.
89 Torture de l'accusé pour obtenir ses aveux.
22
T oujours bien informée, la Gazette Renaudot – journal quasi officiel de la Cour – annonça dès le lendemain l'arrestation de Jacques Dufresne, chirurgien, valet de chambre et maître d'hôtel de M. Goulas, secrétaire de M. le duc d'Orléans, et de Marie Campi, femme de Nicolas Campi, valet de chambre et chirurgien de M. le comte de Franquetot. Nicolas Campi fuyait, mais M. Dreux d'Aubray était certain de le rattraper rapidement.
C'est le chancelier Séguier qui avait renseigné Théophraste Renaudot, à l'initiative de Mazarin, persuadé que ce succès provoquerait chez les Parisiens un double sentiment de satisfaction et de crainte en leur montrant l'efficacité et la sévérité de leur police et de leur justice. De quoi décourager une éventuelle fièvre populaire.
Ce même jour, en fin de matinée, Gaston se rendit au palais d'Orléans en compagnie de Philippe Boutier. Ils demandèrent à être reçus par l'abbé de La Rivière, qui avait reçu un billet la veille au soir pour lui annoncer leur visite.
L'abbé les reçut dans le cabinet jouxtant sa chambre, revêtu d'une soutane en soie noire brodée au col et aux manches.
— Messieurs, j'ai appris avec plaisir le succès de votre enquête, leur fit-il d'une voix grave, après les avoir salués. Dès ce matin, j'ai personnellement félicité M. Séguier par une lettre. Dans la journée, mon maître, monseigneur le duc, complimentera aussi Mgr Mazarin pour sa police si bien faite.
Écarlate, autant de confusion que de satisfaction, le visage de Gaston avait la même couleur pourpre que sa chevelure et sa moustache rousse devenait invisible sur ce fond coloré. Malgré l'émotion qui le rendait maladroit, il parvint à sortir de son pourpoint noir un petit portefeuille et en tira deux quittances qu'il était allé chercher la veille au soir à l'étude Fronsac.
— J'ai fait porter les sommes saisies chez ces larrons à l'étude de maître Fronsac, monsieur l'abbé, dit-il en les remettant à M. de La Rivière. J'ai retrouvé environ onze mille cinq cents livres sur la somme volée. Les pendards ont dû dépenser le reste, bien qu'il soit possible que M. Campi en ait encore une partie, auquel cas on retrouvera la somme manquante quand on l'aura arrêté.
L'abbé prit les papiers avec une sorte d'indifférence.
— Merci, monsieur. Mon secrétaire ira se les faire payer. De mon côté, voici les douze mille florins que j'avais promis comme récompense, fit-il en désignant un sac ventru sur une desserte. Mais parlez-moi un peu plus de ces coquins…
— Nous espérons avoir repris Campi d'ici quelques jours, monsieur l'abbé. Nous savons où il avait décidé d'attendre son complice et y avons envoyé une troupe d'archers commandée par un exempt. Quant à Dufresne, il a eu si peur de la question qu'il a tout avoué. D'après lui, c'est Campi qui a tué M. Paris par accident, puis qui l'a découpé en quartiers. Il ne l'aurait aidé qu'en faisant une fausse clef. Cependant, nous savons qu'il a menti, car il avait apporté les couteaux. Il avait donc déjà décidé de dépecer votre valet de chambre ! Quant à la femme de Campi, elle attendait dehors pour les aider à transporter le produit du vol. L'interrogatoire a aussi révélé que Dufresne attaquait des marchands traversant le bois de
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