Le Secret de l'enclos du Temple
Vincennes. Nous en saurons plus après l'arrestation de M. Campi.
— Ils seront roués ? demanda La Rivière, avec intérêt.
— Certainement, monsieur l'abbé ! Il faut encore les juger, mais ce n'est qu'une formalité.
— La femme aussi ? s'enquit l'autre avec un sourire gourmand.
— Le tribunal le décidera, mais elle sera au moins pendue.
— C'est bien ! Mais mon maître ne veut pas de retentum 90 . Ils devront subir les onze coups, vivants, et agoniser jusqu'à ce que Dieu daigne les rappeler à eux. J'exige aussi que l'exécution ait lieu devant le palais. Pour l'exemple, il est important que tous les domestiques y assistent.
— Nous transmettrons votre souhait à M. d'Aubray, fit poliment Boutier.
— Le peuple s'agite, dit-on, remarqua l'abbé en faisant quelques pas. Ce spectacle sévère les aidera à réfléchir. Pour ma part, je me sentirai désormais plus tranquille ici…
L'abbé de La Rivière était réputé pour une poltronnerie n'ayant d'égale que son ambition.
Gaston s'inclina, puis Boutier. L'abbé salua à son tour ses visiteurs. L'entretien était terminé. Gaston prit le sac de florins et ils partirent.
— Qu'allez-vous faire de cet argent ? s'enquit Boutier quand ils furent dans la cour du palais.
— Je vous l'ai dit, c'est Louis qui a découvert les assassins ! Je vais donc lui en remettre la moitié, car je crois qu'il en a besoin en ce moment. Je donnerai aussi dix louis à chaque archer ayant participé à l'arrestation, et cent à La Goutte et à Desgrais qui m'ont bien aidé. Avec le reste, j'achèterai des rentes de l'Hôtel de Ville, mais je dois auparavant en distraire une petite somme…
Il n'en révéla pas plus.
*
Le surlendemain, Gaston revint à la rue du Pont-aux-Biches. Comme la dernière fois, il trouva Madeleine Dufresne avec sa sœur et sa fille en train de ravauder. Bien sûr, elles parurent surprises, et même légèrement inquiètes, de le voir réapparaître si vite.
Tout d'abord, il leur rendit les clefs.
— Madame, expliqua-t-il ensuite, votre mari vient d'être arrêté pour un crime épouvantable commis avec M. et Mme Campi.
Mme Dufresne blêmit, terrorisée à l'idée de retourner en prison.
— Ne craignez rien ! Votre nom n'a pas été prononcé et ne le sera pas, j'y veillerai… Je dois pourtant vous prévenir que votre époux sera sans doute roué dans quelques jours.
Il lui raconta alors l'affaire, qu'elle ignorait, avant de poursuivre :
— Votre mari voulait se débarrasser de vous. Il vous a demandé d'aller vous confesser à la Merci où vous attendait un prêtre complice de ses amis. Je n'ai pu identifier cet homme, mais je sais qu'il le connaissait. Ce prêtre vous a fait croire que vous étiez possédée et vous a raconté ces sottises sur le Diable et la poudre d'or. Ensuite, revêtu d'une fausse barbe que lui avait donnée votre époux, il vous a conduit au moulin où un autre complice déguisé en Diable a emporté l'or. Le lendemain, votre mari vous a dénoncée.
Il prit un air sévère pour la réprimander.
— À l'avenir, n'écoutez plus ces sornettes ! Croyez-vous que le Diable n'ait que ça à faire ?
Elle ne dit mot, les yeux embués de larmes.
— C'est mon mari qui vous a raconté tout ça ? demanda-t-elle finalement.
— Non. Je ne l'ai pas interrogé là-dessus, mais par son silence, il a reconnu qu'il connaissait le prêtre de la Merci et qu'il lui avait donné la barbe. Je me suis aussi renseigné auprès de paroissiennes fréquentant le couvent et l'église. Aucune n'y connaît de confesseur barbu. Quant à la butte aux moulins, je n'ai rien entendu au sujet d'un diable multipliant les offrandes qu'on lui ferait. En revanche, c'est un conte qui court dans d'autres quartiers de Paris.
« Ce n'est pas tout. Quand il ne se trouvait pas chez M. Goulas, ou chez vous, votre mari courait les grands chemins où il volait les marchands, masqué avec la fausse barbe de votre moine. Mme Campi était sa complice.
En découvrant une vérité dont elle se doutait, Madeleine Dufresne fondit en larmes. Sa sœur la prit dans ses bras et tenta de la consoler.
— Mais au moins votre calvaire est terminé, madame. Il y avait une récompense pour la capture des assassins du valet de M. de La Rivière. Vous y avez droit en partie. J'ai déposé à votre nom deux mille livres à l'étude de maître Fronsac, rue des Quatre-Fils. Tâchez d'en faire bon usage. Maître Fronsac vous recevra
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