Le secret d'Eleusis
arrachée à votre corps. Dans « toxicomanie », il y a « toxique ». La drogue est un poison, à plus faible dose.
— Ça a dû être un choc pour vous de voir réapparaître Petitier, après tous les efforts que vous avez faits pour enterrer votre jeunesse tumultueuse.
— Oui, admit Franklin.
Quelque chose dans son ton intrigua Knox, qui le regarda avec perplexité.
— Oui, ça a été un choc ! insista Franklin. Mais j’y ai beaucoup réfléchi ces derniers temps et j’aurais peut-être dû m’en douter.
— Qu’entendez-vous par là ?
— Vous savez, quand on est archéologue en Grèce, on est sans cesse harcelé par des agriculteurs et autres propriétaires terriens qui sont persuadés que de magnifiques trésors sont enterrés dans leur propriété et sont prêts à les céder à un prix très raisonnable.
— C’est la même chose en Égypte, affirma Knox en souriant. Il est bien rare qu’on trouve quoi que ce soit d’intéressant sur de bonnes vieilles terres agricoles.
— Je ne vous le fais pas dire ! Mais Petitier prenait la peine de répondre à ce genre de courrier. Parfois, il rapportait des lettres à la maison pour nous faire rire. Mais il explorait souvent la Crète et n’hésitait pas à aller jeter un coup d’œil sur place lorsqu’une piste semblait plus prometteuse qu’une autre. Et je me souviens qu’un jour il a fait un héritage. Sa grand-mère était morte ; il a fêté ça au Champagne.
— Quel homme charmant... Donc, vous pensez qu’une de ces lettres l’a mis sur la piste d’un véritable site minoen et qu’il l’a acheté grâce à son héritage ?
— C’est possible, non ? Il avait coupé les ponts avec le monde universitaire ; il ne se verrait plus jamais confier la moindre mission. Il a donc pu disparaître et faire le vœu de ne jamais revenir, du moins, tant qu’il ne serait pas en mesure de prouver qu’il avait raison et que tous ses détracteurs avaient tort.
III
Édouard faisait les cent pas au rez-de-chaussée. Chaque hurlement de Nadia lui faisait l’effet d’une décharge électrique. C’était un lâche. Il en avait la certitude maintenant. Il l’avait toujours soupçonné, bien sûr, bien qu’il se soit plu à se considérer comme un de ces hommes flegmatiques, sous-estimés, dont l’héroïsme ne transparaissait qu’au moment crucial. Mais ce moment était arrivé et son héroïsme faisait cruellement défaut.
Nadia hurla encore une fois. Il éprouva de la compassion pour elle, pour cet être humain en souffrance. Combien de temps cela allait-il durer ? Les cris finirent par se dissoudre dans les sanglots et les supplications. Il ne savait pas ce qui était le plus dur à entendre. Mais une chose était sûre : il préférait l’entendre que de l’endurer.
Contre toute attente, il avait fait preuve d’audace un peu plus tôt, avant que la torture ne commence, bien sûr. Il avait vu Mikhaïl poser le téléphone que le coursier lui avait apporté sur le bras du canapé. Impatient de pouvoir faire quelque chose pour sa famille, il avait empoché le portable avant d’aller s’enfermer aux toilettes. Puis il avait envoyé à son frère un texto dans lequel il lui avait demandé le numéro de son ami Viktor. Il avait craint que Mikhaïl n’ait remarqué la disparition du téléphone. Au lieu de le remettre à sa place, il avait donc caché celui-ci derrière un coussin, où il aurait pu tomber sans que personne ne s’en aperçoive.
La porte de la chambre s’ouvrit. Zaal sortit et se pencha au-dessus de la rambarde de la mezzanine.
— Hé ! appela-t-il. M. Nergadze veut une bouteille de vodka et quelques verres.
Édouard le regarda, l’angoisse au ventre.
— Vous voulez que je monte là-haut ?
— À moins que vous ne puissiez vous téléporter...
La porte se referma. Édouard se rendit à la cuisine, prit une bouteille neuve dans le réfrigérateur et plusieurs verres dans le placard. Un autre hurlement retentit. Il ferma les yeux et attendit en silence. Dans quelle sordide affaire avait-il été impliqué ? Il ne pourrait jamais se racheter. Son âme serait entachée à tout jamais.
— Ah ! quand même ! maugréa Zaal lorsque Édouard apporta la bouteille de vodka. Ça donne soif.
— Posez-la sur la coiffeuse, ordonna Mikhaïl.
Édouard ne put s’empêcher de regarder Nadia. Elle avait le teint cireux, les joues luisantes de larmes, et la bouche et la poitrine couvertes de
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