Le secret d'Eleusis
vomissures. Lorsqu’il vit sa main, l’odeur aidant, il fut secoué par une remontée de bile. Il lâcha aussitôt les verres et la bouteille et se précipita sur la mezzanine, puis vers les toilettes les plus proches, mais ne fut pas assez rapide. L’écume acide se répandit sur le sol, la lunette et l’extérieur de la cuvette. Il eut un deuxième, puis un troisième spasme. Les vomissures coulaient sur son menton et ses vêtements. Il s’essuya la bouche du revers de la main.
Des rires éclatèrent derrière lui. Il se retourna et vit Mikhaïl et Zaal dans l’embrasure de la porte.
— Nom de Dieu, ça pue ! s’exclama Mikhaïl.
Édouard se sentait faible, mais il se redressa.
— Je ne suis pas fait pour ce genre de choses, se lamenta-t-il.
— Nettoyez ça, exigea Mikhaïl, et vos vêtements aussi.
Il secoua la tête avec dégoût.
— Vous n’avez vraiment aucun amour-propre, lâcha-t-il.
Édouard était épuisé d’avoir vomi, mais cela lui avait vidé la tête.
Il constata non sans un certain étonnement qu’il n’était plus, pour le moment en tout cas, paralysé par l’angoisse. Était-ce cela, le courage ? L’absence de peur ? Il resta un instant sans bouger, s’attendant presque à ce que cette sensation passe, mais elle perdura. Presque par curiosité, lorsqu’il descendit chercher un seau et un balai-éponge à la cuisine, il récupéra subrepticement le téléphone portable en passant. Il remonta à l’étage, s’enferma dans la salle de bains et ouvrit les deux robinets du lavabo. Son front se couvrit de sueur, sa poitrine se serra, un frisson le parcourut. Sa fenêtre de lancement se réduisait. C’était maintenant ou jamais.
Il alluma le téléphone et le pressa contre sa poitrine pour en étouffer les sons. Son frère lui avait envoyé le numéro de Viktor. Le portable avait à peine assez de crédit pour des appels locaux. Un appel international était donc exclu. Mais Édouard connaissait par cœur les chiffres de sa carte téléphonique à paiement différé. Il les saisit, puis composa le numéro de Viktor, conscient plus que jamais du risque qu’il prenait. Les Nergadze finiraient par découvrir sa trahison et la lui feraient payer. Pour eux, ce serait une question d’honneur.
— Viktor à l’appareil.
— Édouard Zdanevich, murmura Édouard, qui craignait d’être entendu malgré les robinets ouverts. Nous nous sommes rencontrés un jour, chez mon frère Tamaz.
— Oui, il m’a dit que vous alliez m’appeler, déclara Viktor. Que puis-je faire pour vous ?
Il semblait tout à fait éveillé. Pourtant, il était plus de minuit en Géorgie. Édouard hésita un instant, ne sachant pas par où commencer.
— C’est à propos de ma femme et de mes enfants, répondit-il. Ils sont en danger.
— De votre femme et de vos enfants ? C’est pour ça que vous m’appelez ?
— Les Nergadze les ont pris en otages.
— En otages ? Dans quel but ?
Édouard entendit des bruits étranges à l’autre bout de la ligne, des déclics, un bourdonnement sourd, des murmures, les indices d’une activité clandestine et frénétique. Des personnes écoutaient ; d’autres étaient réveillées et brièvement mises au courant.
— J’ai pu parler à ma femme ce matin, annonça Édouard après avoir pris une profonde respiration. Elle a dit qu’ils étaient tous allés faire du cheval avec Ilya. Et ensuite elle a dit que Kiko en avait déjà fait avec Nicoloz Badridze.
— Je ne vous suis pas.
— Badridze est un pédophile. Ma femme a essayé de me dire qu’Ilya Nergadze... faisait des trucs avec mon fils.
— Vous dites qu’ils sont allés faire du cheval. Ce n’est pas un acte de pédophilie, que je sache.
— Je vous en supplie ! Vous devez faire quelque chose.
— Vous croyez qu’on peut délivrer un mandat contre un homme comme Nergadze sur la base d’accusations comme celles-ci ? Vous êtes dingue ?
— Vous devez le faire.
— Non, rien ne nous permet de le faire.
— Mais mon fils...
— Alors donnez-moi quelque chose de concret. Je sais que vous en avez les moyens. Vous êtes bien placé ; c’est pour cette raison que j’ai pris contact avec vous. Avec une accusation concrète, j’obtiendrai un mandat. Nous sortirons votre famille de là et Dieu sait ce que la perquisition révélera. Mais si vous n’avez rien de concret...
Nadia se remit à hurler si fort que Viktor l’entendit malgré l’eau qui
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