Le secret d'Eleusis

que c’est réciproque.
    — Elle vous a pris pour un con.
    Mikhaïl se crispa. Il posa le portable et l’écrin sur la table en verre et s’empara de la pince.
    — Nous allons passer un moment privilégié ensemble, annonça-t-il. Si vous me manquez de respect, si vous me tenez tête ou si vous me posez le moindre problème, ce ne sera pas seulement vous qui paierez, mais votre petite amie aussi. J’y veillerai personnellement.
    — C’est inutile. Dites-moi juste ce que vous voulez.
    — Quel héros ! Pas étonnant qu’elle ait dit non !
    Mikhaïl s’approcha de Knox.
    — À moi, elle dira oui, fanfaronna-t-il. Je parie qu’elle y pense déjà.
    Il poussa Knox à plat ventre du bout du pied pour avoir accès à ses mains. Puis il sépara le pouce gauche des autres doigts et le plaça entre les mâchoires de la pince. Knox se figea et cria de peur.
    C’était plus qu’Édouard ne pouvait en supporter.
    — Non ! s’exclama-t-il.
    Mikhaïl se retourna et le fusilla du regard.
    — Je vous demande pardon ? dit-il.
    — Réfléchissez, s’empressa d’ajouter Édouard en s’exprimant en géorgien, de peur que Mikhaïl ne croie qu’il cherchait à donner des idées à Knox. Si tout cela est vrai, si ce type et son amie ont vraiment volé la Toison d’or, avant de la cacher à l’aéroport, que se passera-t-il s’il n’y a pas de consigne automatique, mais seulement un guichet où l’on doit présenter une pièce d’identité pour récupérer ses affaires ?
    Il hocha la tête en direction de Nadia.
    — S’il a la main dans cet état-là, on va attirer les soupçons, assura-t-il. La sécurité de l’aéroport va être alertée.
    Mikhaïl le fixa longuement pour essayer de deviner la véritable intention qui se cachait derrière ses paroles. Puis il sourit. Visiblement, une idée brillante venait de lui traverser l’esprit.
    — Très bien, je sais ce que nous allons faire, annonça-t-il.
    III
    Nina Zdanevich s’était barricadée dans sa chambre avec ses trois enfants dès la veille au soir. Elle avait poussé une commode devant la porte au cas où quelqu’un essaierait d’entrer au milieu de la nuit, mais personne n’avait rien tenté. Elle était en train de la remettre à sa place lorsqu’elle entendit un coup de feu. Les Nergadze et leurs amis devaient tirer sur les oiseaux qui survolaient le lac. Ils aimaient le tir, les Nergadze, surtout lorsqu’ils étaient à l’abri de toute riposte.
    Mais cette fois, il y eut une riposte.
    Elle se précipita à la fenêtre. Elle ne voyait pas grand-chose, car sa chambre donnait sur la rive du lac et l’action se déroulait soit à sa gauche, soit à sa droite, mais elle discerna un hélicoptère, qui volait si bas au-dessus du lac qu’il en touchait presque la surface. De l’autre côté, des véhicules blindés descendaient les collines en zigzaguant pour ne pas être pris pour cibles. Nina mit un moment à comprendre la situation. Etant donné que rien ne s’était passé jusqu’à cet instant, elle avait pensé que son mari l’avait laissée tomber, mais non, Dieu merci, il avait fait quelque chose.
    — Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Kiko.
    Nina était sur le point de lui dire quelques paroles rassurantes, lorsque les mitrailleuses lui donnèrent une autre réponse. Les hélicoptères franchirent les remparts du château dans un grondement tonitruant. Puis Nina perçut un bruit sourd qu’elle dut inconsciemment se souvenir d’avoir entendu à la télévision, car elle cria et ouvrit les bras pour protéger ses enfants, un millième de seconde avant de sentir le souffle de l’explosion en provenance des remparts. La fenêtre se brisa en morceaux, qui se répandirent comme des éclats d’obus dans la pièce. La poussière et le plâtre se mirent à tomber en pluie. Les peintures se détachèrent des murs ; leur cadre se fracassa au sol.
    — Par ici ! cria Nina en courant vers le mur du fond. Couchez-vous !
    Par chance, les enfants obéirent sans broncher. Elle tira le matelas du lit et le hissa au-dessus d’eux. Ils se mirent à murmurer des prières qu’ils connaissaient tous par cœur en se tenant les mains dans l’obscurité. Quelqu’un ouvrit la porte d’un coup de pied. Nina risqua un coup d’œil. Un homme armé d’un AK-47 courut jusqu’à la fenêtre, s’agenouilla et tira une série de coups de feu. La riposte fut nourrie : un faisceau de balles atteignit les murs et le plafond, et ricocha