Le secret d'Eleusis
gauche en entraînant le chien derrière lui jusqu’à ce qu’il atteigne un olivier. Là, il enroula la corde autour du tronc, fit un autre nœud et paralysa le chien entre ses deux laisses.
Franchir la porte d’entrée allait désormais être un jeu d’enfant. Le jambage en bois était pourri ; il se fendit en éclats sous la pression de la barre métallique de Iain. La porte ouvrait directement sur la pièce principale, dont le sol en ciment était simplement recouvert de vieux tapis éparpillés. Devant la fenêtre aux volets fermés, se trouvait un fauteuil usé, contre lequel était posé un fusil de chasse Mauser, accompagné d’une boîte de cartouches, comme si Petitier avait eu l’habitude de s’asseoir ici et de tirer sur tout ce qui bougeait. Le mur était orné de photos encadrées en noir et blanc, qui semblaient représenter le paysage environnant. Iain se retourna. Le mur d’en face était entièrement consacré aux étagères, bondées de livres, de classeurs et de magazines. D’autres livres étaient empilés sur un gros bureau en chêne, dans un angle de la pièce.
Iain huma l’air, dans lequel flottait une odeur de vinaigre.
— Poisson frit et frites ! lança-t-il. On aurait pu s’entendre, lui et moi.
Gaëlle s’approcha du bureau pour voir quels livres Petitier avait lus juste avant de partir à Athènes. Un dictionnaire d’écritures minoennes. Un traité sur le disque de Phaistos, ainsi qu’une réplique du disque à laquelle se référer. Un livre sur la vulcanologie ; un exemplaire du Timée de Platon ; un article sur l’Helladique récent à Akrotiri.
— Regardez ça ! s’écria Gaëlle en souriant. On dirait qu’il travaillait lui aussi à reconstituer l’Atlantide.
— Et ça ! renchérit Iain en se dirigeant vers les étagères.
Deux rayons étaient remplis de journaux à reliure de cuir, datés au feutre noir sur la tranche. Iain prit celui qui allait de mai à décembre 1995, feuilleta les pages jaunies et les montra à Gaëlle. Chaque page comportait une entrée écrite dans un langage codé, par groupes de cinq hiéroglyphes.
— C’est vous l’experte, vous croyez que vous pouvez déchiffrer ça ? demanda Iain.
Gaëlle haussa les épaules. S’il s’agissait d’un simple code de substitution à partir de l’anglais, du français ou du grec, ce ne serait qu’une question de temps et de persévérance ; mais Petitier le savait et avait peut-être élaboré un code plus compliqué.
— J’essaierai, répondit Gaëlle.
Le mur de droite était percé de trois portes, toutes fermées. La première donnait accès à la cuisine. Quelques assiettes étaient alignées sur un égouttoir. Il y avait des couverts dans les tiroirs, des casseroles usées sur une étagère, un panier de bûches près du poêle à bois. Le réfrigérateur était éteint, vide et sentait mauvais. Le cellier, à l’inverse, était bien garni. Un jambon fumé, deux grosses saucisses et un faisan plumé étaient suspendus par un crochet au plafond. Gaëlle remarqua également une cuve contenant du café en vrac et une autre dans laquelle un rayon de miel fraîchement récolté dégoulinait d’or sucré. Des pots en terre et des bocaux regorgeaient d’olives et d’huile d’olive, de têtes d’ail, de tomates et de coulis de tomates, de maïs, d’oignons, de betteraves et autres légumes macérés dans du vinaigre. Une rangée de bouteilles de vin rouge et blanc non étiquetées était posée sur le sol, entre un sac de blé et un autre de riz.
La deuxième porte ouvrait sur une chambre. Un drap décoloré était remonté sur un matelas peu épais. Deux oreillers gris sans taie laissaient échapper de minuscules plumes formant une sorte de barbe blanche sur le tissu. Gaëlle se mit à genoux pour regarder sous le lit. Sur une couche de poussière semblable au premier manteau de neige de l’hiver, elle ne vit qu’une chaussure gisant sur le côté et dont la semelle en caoutchouc était trouée. La troisième porte était celle de la salle de bains. Le lavabo était jauni par le temps. La baignoire en fonte, noire de crasse, était bouchée par une pelote de poils. La pomme de douche était rouillée et le rideau, remonté au-dessus de la tringle. Derrière, le mur était couvert de moisissures. Par précaution, Gaëlle tira la chasse des toilettes sans regarder, puis ouvrit les volets de la fenêtre pour faire entrer un peu d’air frais. Dehors, le chien avait
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