Le secret d'Eleusis

ventre.
    — Knox ! lâcha-t-il tel un juron.
    — Apparemment, il a demandé à ce qu’on nous contacte. Il a dit qu’on répondrait de lui.
    — Qu’on répondrait de lui ? s’écria Angelos, incrédule.
    — Oui, qu’allez-vous faire ?
    Angelos consulta sa montre.
    — À votre avis, combien de temps faut-il pour aller à l’aéroport ?
    — À cette heure, je dirais quarante minutes.
    Angelos prit sa veste et les photos du hall de l’hôtel.
    — Alors je veux y être dans vingt minutes.

Chapitre 37
    I
    La nuit était tombée pendant que Mikhaïl était dans l’entrepôt. Sur le parking, les lampadaires projetaient leur lumière jaune. Au loin, les sirènes retentissaient. La police, comme toujours, cherchait au mauvais endroit.
    La piste de décollage se trouvait juste derrière les bâtiments de fret, mais la zone devait être hautement sécurisée. Mikhaïl prit la direction opposée. Il traversa le parking, franchit une petite clôture et une rangée d’arbres, et se retrouva en haut d’un talus qui surplombait la route de l’aéroport. La circulation était fluide. Mais il allait devoir escalader une barrière de sécurité surmontée de fils barbelés obliques, à la fois bien éclairée et contrôlée par le biais de caméras de surveillance. Pas facile, mais il y arriverait. Il était en bas du talus lorsqu’il vit un camion ralentir sur la route. Un policier armé descendit et alla se poster à côté de la barrière. Le camion repartit, parcourut deux cents mètres et un autre policier descendit. Ces salauds étaient en train de clore le périmètre !
    Mikhaïl jura et retourna se cacher sous les arbres. Il sortit son téléphone portable pour demander à sa famille d’intervenir. Pas de réponse. Il ne put joindre ni son père, ni son grand-père, ni ses frères. Personne. Il lui semblait inconcevable qu’un moins que rien comme Édouard ait pu mettre sa famille en péril. Et pourtant, il ne voyait pas d’autre explication. Soudain, le souvenir oppressant de la prison lui revint à l’esprit. Il passa d’autres appels, encore et encore. Ce ne fut que lorsqu’il essaya Chypre que quelqu’un finit par décrocher. C’était Rafiel, le chef d’état-major chypriote de la famille.
    — Allô ?
    — C’est moi, Mikhaïl. Que se passe-t-il ? Où sont-ils tous passés ?
    — Vous n’êtes pas au courant ?
    — Au courant de quoi ?
    — Il y a eu une descente de police à Nikortsminda. Et un raid de l’armée. J’ai eu Iakob au téléphone. Il a réussi à s’enfuir ; il n’a pas voulu me dire comment. Il a parlé de coups de feu, d’hélicoptères. Votre grand-père a été arrêté ; votre père et vos frères aussi. Mais il y a pire : votre frère Alexei a été tué.
    — C’est impossible ! Ils n’ont pas osé !
    — Apparemment, les chaînes de télévision diffusent des images sur lesquelles on le voit donner un coup de tête à un policier et le menacer avec un fusil. Les gens n’aiment pas ceux qui s’estiment au-dessus des lois.
    — C’est un coup monté. Personne n’y croira.
    — Je ne sais pas, il paraît qu’en Géorgie tout le monde descend dans la rue. Il y a eu des échauffourées et des échanges de coups de feu, mais ce sont des événements sporadiques. Il n’y a plus personne pour organiser la révolte. Il n’y a plus de leader, maintenant que tous les membres de votre famille ont été arrêtés, à part vous, bien sûr.
    Mikhaïl cligna des yeux. Il n’avait pas encore vu les choses sous cet angle. Après cette vague d’arrestations, il était devenu, de fait, le chef de famille, le chef de l’opposition incarnée par les Nergadze et, par conséquent, le chef de la résistance au gouvernement fasciste de la Géorgie. D’autres se seraient dérobés à cette responsabilité, mais pas Mikhaïl.
    — Ecoutez-moi bien, dit-il à Rafiel. C’est moi le patron, maintenant. Compris ?
    — Bien, monsieur, répondit Rafiel, visiblement soulagé par ce retour à l’ordre et à la hiérarchie. Que puis-je faire ?
    Mikhaïl réfléchit un instant. Le président avait déclaré la guerre à sa famille. Il savait sans doute qu’il ne pouvait pas se permettre de laisser un Nergadze dans la nature. Aussi, si Mikhaïl rentrait en Géorgie, les autorités l’arrêteraient sur-le-champ. Mais s’il restait ici, elles feraient pression sur les Grecs jusqu’à ce qu’ils mettent la main sur lui. Pour commencer, il devait donc