Le secret d'Eleusis
pas cette fois. Il fit la moue dans l’espoir de l’apitoyer sur son sort.
— Pourquoi t’inquiètes-tu toujours pour Eliso et Lila ? se lamenta-t-il. Pourquoi ne t’inquiètes-tu pas pour moi ?
Nina soupira et revint près du lit.
— Tes sœurs sont grandes, maintenant, expliqua-t-elle à Kiko en lui prenant la main. Et on ne peut pas toujours faire confiance aux hommes qui se trouvent dans l’entourage de belles filles comme elles. Tu as vu ce qui s’est passé à la cuisine tout à l’heure.
— Ne me laisse pas.
— Ça va aller, murmura Nina en éteignant la lampe de chevet. Je te le promets.
Elle embrassa Kiko sur le front et retourna à la porte.
— Fais de beaux rêves, lui dit-elle avant de se faufiler dans le couloir.
De beaux rêves ! Kiko tremblait sous ses couvertures ; il avait si peur des monstres de la nuit... Les bruits qu’il avait à peine remarqués lorsque sa mère était à ses côtés lui semblèrent plus présents, plus menaçants. Le vent soufflait, les volets grinçaient, des gouttes de pluie tapaient contre les vitres, le lierre rasait la fenêtre comme un prisonnier en fuite essayant de s’immiscer dans la chambre. Un hibou se mit à hululer. Une porte claqua. Quelque part, un éclat de rire retentit. Kiko tressaillit violemment. Il faisait beaucoup plus froid ici qu’à Tbilissi. Et les couvertures étaient moins épaisses. Il les remonta sous son menton et pria les dieux anciens de le garder en vie.
III
Le concierge de l’hôtel se confondit en excuses, comme le faisaient toujours les personnes de sa fonction lorsque la faute revenait à quelqu’un d’autre : les bagages de Claire avaient disparu. Il expliqua avec une délectation incongrue que des policiers avaient emporté les valises dans une chambre vide, où ils l’avaient interrogé comme un vulgaire suspect en jetant les affaires de la jeune femme çà et là, en déchirant la doublure de tous les vêtements et en pressant un tube de dentifrice avec une rage vindicative, avant de donner au personnel de l’hôtel l’autorisation de transférer l’ensemble des bagages au sous-sol.
Knox et Gaëlle se rendirent à l’endroit indiqué. Accroupis, ils ouvrirent la valise la plus proche, qui cracha aussitôt son contenu, entassé dans le plus grand désordre.
— Il faut qu’on range tout ça, déclara Gaëlle avec lassitude. Je ne veux pas que Claire voie ses bagages dans cet état.
Ils replièrent rapidement les vêtements. Gaëlle en mit quelques-uns de côté et les empila dans la plus petite des valises, avec la trousse de toilette, une serviette et autres effets personnels dont Claire pourrait avoir besoin à l’hôpital. Knox porta la valise jusqu’à la voiture et la posa sur les sièges arrière.
— Je vais me garer devant l’entrée, résolut-il. Tu n’auras qu’à aller la déposer en vitesse.
— Tu ne vas pas te mettre à éviter Claire, j’espère, dit Gaëlle.
— Mais non, la rassura Knox. C’est juste qu’il est impossible de trouver une place sur le parking de l’hôpital.
— D’accord, mais si Augustin est à l’hôpital, insista Gaëlle en posant la main sur la sienne, refermée autour du levier de vitesses, c’est parce qu’il a été passé à tabac par un flic devenu fou furieux. Ce n’est pas ta faute.
— Je sais, mais...
— Ce n’est pas ta faute, répéta Gaëlle. Tu aurais peut-être pu lui éviter un coup. Peut-être. Et tu te serais retrouvé à l’hôpital, toi aussi.
— Ce n’est pas la question.
— Si, justement. C’est toi qui ne te rends pas compte. Tu es un homme courageux, Daniel. Tu n’as pas cessé de risquer ta vie pour moi. Alors si quelque chose t’a fait défaut, cet après-midi, ce n’est certainement pas le courage. Tu ne t’es peut-être pas rendu compte assez vite de ce qui se passait, c’est tout. Tu étais sous le choc. C’est pour ça que tu n’as pas réagi tout de suite. Augustin est un grand frère à tes yeux et on croit toujours que les grands frères sont invincibles. Il était inconcevable pour toi qu’il se fasse agresser de cette façon.
— Peut-être.
— C’est la vérité, Daniel. Et puis ce n’est pas le moment de douter de toi. J’ai besoin de toi. Augustin a besoin de toi. Claire a besoin de toi. D’accord, elle s’en est prise à toi tout à l’heure, mais c’est parce que l’homme qu’elle aime est en danger. Elle est terrifiée. La colère est une façon pour elle
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