Le secret d'Eleusis
tant qu’Augustin était entre la vie et la mort. Il referma l’écrin, le remit dans sa poche et retourna à table.
Gaëlle était en pleine conversation téléphonique.
— Claire, chuchota-t-elle en l’interrogeant du regard pour savoir s’il voulait lui parler.
Il secoua la tête et se dirigea vers le bar. L’addition était prête. Lorsqu’il vit le montant, il faillit avoir une attaque. Pas étonnant que Nico n’ait pas trouvé son portefeuille... Il régla avec sa carte bancaire ; il se soucierait des contingences matérielles quand tout serait rentré dans l’ordre.
— Les infirmières lui préparent un lit à l’hôpital, annonça Gaëlle après l’avoir rejoint. Je lui ai dit qu’on lui apporterait quelques affaires. J’espère que ça ne te dérange pas.
— Pas du tout.
— Elle m’a demandé si tu m’avais parlé de la conversation que vous avez eue tout à l’heure. Pourquoi m’a-t-elle posé cette question ?
— Je ne sais pas.
— Si, tu le sais.
— Sortons d’ici.
Il avait plu. L’air était frais et vivifiant, comparé à l’atmosphère confinée et enfumée du restaurant.
— C’était vraiment bon ! s’écria Knox, la main sur l’estomac. Nico s’y connaît en restaurants.
— Daniel, soupira Gaëlle. De quoi avez-vous parlé ? Vous vous êtes disputés, c’est ça ?
— Je ne crois pas, répondit Knox en haussant les épaules. Elle pense simplement que j’aurais pu empêcher le flic de frapper Augustin.
— Quoi ? s’exclama Gaëlle, froissée comme si l’accusation avait été portée contre elle. Je croyais que le coéquipier du flic t’avait plaqué contre le mur.
— C’est vrai, mais Claire pense que, si j’avais essayé, j’aurais pu me libérer plus rapidement.
— Et est-ce que tu aurais pu ?
Knox hésita un instant avant de répondre.
— Oui, admit-il, je pense que j’aurais pu.
II
Kiko sentait sa mère s’agiter dans le lit à baldaquin quelle partageait avec lui. Elle était nerveuse depuis le dîner, qu’ils avaient pris en cuisine, avec le personnel du château non requis pour le service au banquet. Ils s’étaient assis autour d’une longue table en bois, brute, idéale pour arracher de petites échardes. Ce moment avait été d’un grand réconfort, après l’angoisse de la journée. Le personnel bavardait gaiement, tandis que des fours se dégageaient une chaleur agréable et les odeurs de mets délicieux, préparés pour le banquet : saumon, rôti de porc, gibier et petits poulets, agrémentés d’une sauce aux noix et accompagnés de haricots rouges à la grenade et à la coriandre.
Comme ils sauçaient leurs assiettes avec de gros morceaux de pain chaud, Alexei Nergadze et deux de ses amis étaient entrés dans la cuisine. Et pendant qu’Alexei discutait du menu avec les cuisiniers, ses deux acolytes n’avaient cessé de regarder Eliso et Lila. Ils avaient fait des blagues que Kiko n’avait pas comprises mais qui avaient fait rougir toutes les autres personnes présentes autour de la table. Depuis, la mère de Kiko n’était pas tranquille et il savait que ce n’était pas pour lui qu’elle s’inquiétait mais pour ses sœurs.
Il dormait presque lorsqu’elle se glissa hors du lit. Presque. Il se retourna et vit sa chemise de nuit blanche flotter dans les airs comme un gentil fantôme. Elle entrouvrit la porte, juste assez pour voir si la voie était libre. Il s’assit et alluma sa lampe de chevet.
— Où tu vas, maman ? demanda-t-il.
— Oh ! tu ne dors pas ?
— Non, je ne dors pas.
— Je vais juste voir tes sœurs pour m’assurer qu’elles vont bien.
— Mais tu vas revenir, hein ?
— Dors, mon chéri.
— Mais j’ai peur. Qu’est-ce qu’on fait dans cet endroit horrible ? Pourquoi on ne rentre pas à la maison ?
— C’est seulement pour quelques jours.
— Où est papa ? Je veux mon papa.
— S’il te plaît, chéri. Sois fort. Tu dois être fort. Je ne peux pas laisser tes sœurs seules. Pas ici. Pas ce soir.
— Alors laisse-moi venir avec toi.
— Il n’y a pas de lit pour toi, là-bas.
— Il n’y en a pas pour toi non plus.
— Oui, mais j’ai l’habitude de dormir dans une position inconfortable. Je dors dans le même lit que ton père, après tout.
Kiko savait que, lorsque sa mère plaisantait aux dépens de son père, c’était une façon pour elle de se rapprocher de lui. Mais elle n’allait pas s’en tirer comme ça,
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