Le secret d'Eleusis
être un sourire.
— Tu n’as pas l’air convaincu.
— Je veux mon papa. Je veux rentrer chez moi.
Le vieil homme arriva près du lit.
— Mon pauvre enfant ! s’écria-t-il lorsqu’il vit le front trempé de sueur de Kiko. Tu as fait un cauchemar.
Il posa la bougie sur la table de nuit, sortit un mouchoir de sa manche et épongea le front de Kiko.
— Qu’est-ce que vous faites ?
— Tu ne peux pas dormir dans des draps mouillés. Tu vas attraper un mauvais rhume.
— Ça va aller.
— Allonge-toi au moins là où le matelas est sec. Le lit est assez grand. Si tu tombais malade, ta mère ne me le pardonnerait jamais.
Ilya posa un regard bienveillant sur Kiko, qui se poussa un peu, et s’assit à sa place, avant de s’allonger à ses côtés en tirant le drap sur lui. Etrangement, ses cheveux et ses sourcils étaient devenus noirs et brillants comme du cirage depuis la dernière fois que Kiko l’avait vu. Cela renforçait l’impression d’irréalité qui se dégageait de lui.
Ilya plia son mouchoir en deux et se pencha au-dessus du petit garçon pour lui éponger de nouveau le front. Sa robe de chambre glissa sur son épaule et laissa entrevoir, à travers une grande ouverture en forme de losange dans son pyjama de soie, un tapis de poils argentés sur une peau ridée.
— Mon Dieu, soupira Ilya en se redressant et en faisant un autre nœud dans la ceinture de sa robe de chambre, ce mouchoir n’y suffit pas.
Il regarda Kiko et lui sourit.
— Est-ce que tu aimes faire du cheval ? demanda-t-il.
— Je ne sais pas, je n’en ai jamais fait, répondit Kiko d’un ton neutre.
— Tu n’en as jamais fait ? s’exclama Ilya en feignant l’étonnement.
Son souffle, qui empestait l’alcool, chatouillait la joue de l’enfant.
— Nous allons devoir remédier à cela, affirma-t-il. Écoute, demain, nous ferons une grande promenade à cheval dans les collines.
— Est-ce que maman sera là ?
— Bien sûr ! Et tes sœurs aussi. Ce sera très amusant, tu verras. Et ne t’inquiète pas, j’ai le poney qu’il te faut. Il est doux comme du coton, parfait pour un jeune débutant. C’est avec lui que tous mes petits-fils ont appris à monter. Crois-moi, tu auras mal au derrière pendant un petit moment, mais tu vas vite adorer ça.
Ilya se retourna et souffla sur la flamme de la bougie. La pièce sombra dans l’obscurité. Kiko entendit les ressorts du sommier grincer. Puis il sentit les couvertures remonter sur lui, le souffle chaud et acre lui effleurer la joue. La main d’Ilya se posa sur ses côtes et le caressa à travers les draps dans un mouvement de va-et-vient, de la poitrine au nombril.
— Ferme les yeux, chuchota Ilya en faufilant le bras sous l’oreiller de Kiko, avant de le replier pour poser la tête du petit garçon sur sa poitrine. Voilà, essaie de dormir maintenant. Plus de cauchemars. Je suis là.
III
Les ascenseurs, précédés de grilles en fer forgé et ornés de vieux miroirs mouchetés, étaient dans le style rétro chic de l’hôtel. Au début, Knox était tombé sous le charme, mais ils montaient et descendaient avec une telle lenteur qu’il ne pouvait désormais plus les supporter.
— Regarde ! s’exclama Gaëlle, tandis que la grille se refermait bruyamment. Tu es célèbre.
Knox sourit en voyant son nom griffonné au feutre rouge sur le programme du congrès, scotché à un des miroirs.
— Nico devait vraiment avoir des tonnes de choses à faire, après tout, reconnut-il.
Il s’apprêtait à appuyer sur le bouton lorsqu’il vit cinq hommes traverser le hall d’un pas décidé. Les ascenseurs étaient lents mais, au moins, ils étaient vastes.
— Vous montez ? demanda Knox.
— Oui, merci, répondit un des hommes, dont le trench-coat en cuir noir était couvert de fines perles de pluie.
— Quel étage ?
L’homme hésita.
— Le dernier.
Knox hocha la tête et appuya sur le six et le sept. La lente ascension commença. À sept, ils étaient serrés, d’autant qu’un des hommes était une espèce de géant au nez aplati et aux oreilles protubérantes. Grâce à la grille en fer forgé, ils voyaient passer les étages et les personnes qui attendaient l’ascenseur. Ils étaient tous tournés dans la même direction, le regard neutre, comme l’exigeait l’étiquette. Tous, sauf l’homme au trench-coat. Celui-ci regardait Gaëlle avec une insistance déplacée. Knox était sur le point d’intervenir, mais
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