Le secret d'Eleusis
s’écria Édouard. Comment ?
— Débrouillez-vous. Retenez-les jusqu’à ce que les autres arrivent.
— Et pourquoi vous n’y allez pas, vous ? s’énerva Édouard .
— Parce que c’est à vous que Mikhaïl le demande, répondit Zaal avant de lui tendre son portable. À moins que vous ne vouliez en discuter avec lui...
Édouard se mordit les lèvres et descendit de voiture, un bras au-dessus de la tête pour se protéger de la pluie. Il laissa passer une camionnette bleue et traversa la route en courant. L’hôtel avait une devanture en verre mais tirait parti au maximum de la tradition grecque : moquette rouge dans le hall, appliques en cuivre, lustres ostentatoires suspendus aux plafonds hauts, personnel en livrée rouge et or. À droite de l’entrée principale, le bar était rempli d’étrangers fortunés, qui sirotaient leur whisky ou leur vin dans de confortables fauteuils. L’un d’eux leva les yeux lorsque Knox et Gaëlle arrivèrent à la réception et attira l’attention de ses amis. Au bout de quelques secondes, tous les regards étaient braqués sur les deux archéologues, visiblement rendus célèbres par leur brève apparition au journal télévisé.
Un coup de Klaxon retentit sur la route principale ; un moteur rugit et une paire de phares balaya la rue à sens unique ; la Mercedes s’arrêta en dérapant devant l’hôtel. La portière arrière s’ouvrit et Mikhaïl sortit en remontant le col de son trench-coat.
— Alors ? demanda-t-il à Édouard , qui l’avait rejoint.
— Ils viennent de demander leur clé, rapporta Édouard .
Mikhaïl hocha la tête et tendit la main dans la voiture pour prendre son fusil. Il tira sur la culasse et enfonça deux cartouches dans le chargeur.
— Qu’est-ce que vous faites ? protesta Édouard.
— Votre ami Knox a commis un meurtre pour s’emparer de ma Toison d’or, expliqua Mikhaïl. Vous croyez qu’il va me la rendre de lui-même ?
— Mais tous ces gens...
— Et alors ?
Mikhaïl cacha le fusil sous son trench-coat et franchit les portes vitrées automatiques du hall de l’hôtel, tandis que Knox et Gaëlle, qui venaient de prendre leur clé, se dirigeaient vers les ascenseurs.
***
Kiko se réveilla en sursaut. Dehors, des démons faisaient tournoyer leurs ailes à toute vitesse dans des éclairs de lumière. Ils devaient avoir des griffes et des dents pointues ! Paniqué, il entendit son cœur battre dans sa poitrine comme des sabots martelant le sol dans une course de chevaux. Puis il vit de quoi il s’agissait : c’était un hélicoptère. Il avait atterri en début de soirée et devait désormais ramener chez eux certains des invités des Nergadze. La peur céda du terrain pour ne laisser qu’une tache humide de sueur sur le matelas du lit à baldaquin. Kiko resta couché là, frissonnant, et se demanda pour la centième fois ce que sa mère, ses sœurs et lui faisaient dans ce foutu château, où était son père et comment celui-ci avait pu laisser faire ça.
Il replongeait doucement dans le sommeil lorsqu’il entendit des pas, qui semblèrent s’arrêter juste devant sa chambre. Il se figea. Pétrifié, il regarda la lumière du couloir, qui encadrait sa porte, en priant pour que son imagination lui joue des tours. Mais la poignée se mit à grincer. Il retint sa respiration et vit la porte s’ouvrir sans bruit et se refermer.
— Maman ? demanda-t-il, le cœur battant à tout rompre. C’est toi ?
— Je ne voulais pas te réveiller, murmura un homme à la voix rauque.
Une flamme jaune et bleue jaillit d’un briquet et vint allumer la mèche d’une grosse bougie, qui éclaira, dans une lumière dansante, la silhouette d’un vieil homme, grand et mince, vêtu d’un pyjama en soie bleue et d’une robe de chambre rouge : Ilya Nergadze.
— Qu’est-ce que vous faites ici ? s’inquiéta Kiko.
Ilya sourit pour le mettre à l’aise, mais ne fit qu’accroître son angoisse.
— Te souviens-tu de moi, Kiko ? s’enquit-il. Nous avons déjeuné ensemble l’année dernière à Tbilissi. Tu as nagé dans ma piscine. Tu étais très doué.
Il s’approcha de lui dans la faible lueur de la bougie, qui créait une étrange impression d’intimité.
— Ceci est ma deuxième propriété, poursuivit-il. Ce château et toutes les terres qui l’entourent, à perte de vue, sont à moi. Est-ce que ça te plaît ?
— Je crois.
Des dents jaunes étincelèrent dans ce qui devait
Weitere Kostenlose Bücher