Le secret d'Eleusis

autant d’asticots.
    — Cette colline, là-bas, indiqua Iain en pointant le doigt vers la gauche, c’est Phaistos.
    — C’est de là que vient le disque ? demanda Gaëlle.
    Le disque de Phaistos était une célèbre tablette minoenne en argile, couverte d’une spirale de symboles imprimés en relief au recto et au verso. Personne, parmi les archéologues, les historiens et autres experts, n’était parvenu à identifier avec certitude cet artefact, qui pouvait aussi bien être un théorème mathématique qu’un jeu de société.
    — Je vous ferai faire le tour du palais à notre retour, si nous avons le temps, proposa Iain. C’est un site magnifique. Et il y a beaucoup moins de touristes qu’à Cnossos, évidemment, bien qu’il y ait tout de même pas mal de monde, surtout en été. Sur ce point, la Crète ressemble à l’Égypte. Les touristes viennent pour le soleil et le sable, mais ils n’ont rien contre un bain de culture. C’est sur eux que repose l’archéologie minoenne. Prenez le disque de Phaistos, par exemple. Son authenticité est fortement controversée. En ce qui me concerne, je crois qu’il est authentique, mais de nombreux experts pensent qu’il a été fabriqué par son inventeur, l’Italien Luigi Pernier. Celui-ci aurait été jaloux de la publicité dont bénéficiait sir Arthur Evans à Cnossos. Quoi qu’il en soit, il suffirait que le musée d’Héraklion autorise un test de thermoluminescence pour que la question soit tranchée. Mais bien sûr, il refuse. Le disque est l’une des principales icônes de la Crète minoenne, alors pourquoi prendre un risque ? Tout est à l’avenant ici. Le profit prime toujours sur la vérité.
    — C’est l’auteur de L’Atlantide reconstituée qui parle, plaisanta Gaëlle.
    — Vous n’avez pas tort, reconnut Iain, qui amorça la descente vers la côte derrière un camion polluant. Moi, au moins, je n’ai rien à cacher. Je suis véritablement persuadé que le mythe de l’Atlantide provient de la mémoire collective des Minoens. Vous connaissez ce mythe, je présume.
    — Bien sûr. Environ dix mille ans avant Jésus-Christ, il y avait quelque part à l’ouest des colonnes d’Hercule un grand empire nommé Atlantide. Il était plus grand que l’Afrique et incroyablement puissant. Pourtant, il a été vaincu par Athènes et d’autres villes grecques, avant d’être détruit par un extraordinaire cataclysme et de disparaître à tout jamais.
    — Vous semblez sceptique, observa Iain.
    Il se déporta largement pour voir s’il pouvait doubler le camion et donna un violent coup de frein lorsqu’il vit une voiture sur la voie opposée.
    — Platon est notre seule source, rappela Gaëlle. Or, il n’hésitait pas à recourir à l’allégorie pour expliquer ses idées. Il n’y a jamais eu de grande île à l’ouest des colonnes d’Hercule, sinon les géologues l’auraient retrouvée. Et il n’y avait pas de civilisation en dix mille avant Jésus-Christ, sinon nous en aurions retrouvé des vestiges. Et même si cela avait été le cas, Athènes n’aurait pas pu détruire ce grand empire car, à l’époque, elle n’existait pas encore. Même les temples égyptiens n’auraient pas pu en garder la trace, car ils n’existaient pas non plus. Alors, en effet, je suis un peu sceptique.
    Iain repéra un créneau dans le trafic et klaxonna pour prévenir le conducteur du camion et les autres usagers de la route qu’il allait doubler. La Mustang accéléra brusquement. Gaëlle se cramponna du bout des pieds.
    — Écoutez, je sais que l’Atlantide est un terrain miné, admit Iain en se rabattant immédiatement. Il existe des tas de théories extravagantes sur des hommes-poissons venus de l’espace avec une technologie ridiculement avancée. Mais Platon ne parle ni d’hommes-poissons ni d’extraterrestres. Croyez-moi, je connais mes classiques ! Et la technologie qu’il décrit n’est rien de plus qu’un système d’irrigation et d’eau courante chaude et froide, que les Minoens possédaient déjà.
    — Pas en dix mille avant Jésus-Christ.
    — Non, bien sûr. Vous avez tout à fait raison, le récit de Platon n’est tout simplement pas plausible.
    Ils arrivèrent derrière une longue file de voitures et, l’espace d’une seconde, Gaëlle redouta avec angoisse que Iain n’essaie de toutes les doubler d’un seul coup. Mais il resta sagement derrière la file, non sans un geste de contrariété.
    — Cela