Le secret d'Eleusis
admettre, ce texte allait peut-être devenir son testament. Knox se devait de le rendre inoubliable.
Un séisme avait eu lieu au large d’Alexandrie quelques mois auparavant. La secousse, peu importante, avait seulement soulevé un voile de poussière, fait trembler quelques toits et précipité les gens dans la rue, où ils s’étaient observés nerveusement. Mais elle avait aussi lézardé un vieil immeuble surplombant les jardins de Nouzha. Une semaine plus tard, la façade du bâtiment s’était effondrée dans un grondement sinistre. L’immeuble avait donc été déclaré inhabitable et détruit. Pendant les travaux, un bulldozer avait découvert une pièce souterraine. Le Conseil suprême des antiquités d’Alexandrie avait fait appel à Augustin, qui avait à son tour contacté Knox et Gaëlle.
Knox lança à l’écran les meilleurs moments de cette première exploration, filmée par Gaëlle. Les ouvriers se frayaient péniblement un chemin parmi les décombres ; les lueurs blanches des lampes torches dansaient sur les loculi , les ossements humains et les rares tessons de poterie, que l’on discernait à peine dans la poussière. Knox ne dit pas un mot. Il laissa la salle s’imprégner de l’atmosphère. Explorer pour la première fois un site disparu depuis des siècles, voire des millénaires, était un des grands privilèges des archéologues. Lorsque le moment lui sembla opportun, Knox commença son discours.
— Voici le quartier alexandrin d’Éleusis, annonça-t-il. Grâce à mon collègue et ami Augustin Pascal, nous allons peut-être enfin pouvoir faire toute la lumière, du moins, en Égypte, sur ce que l’on appelle les « mystères d’Éleusis ».
IV
Mikhaïl et ses acolytes trouvèrent la Citroën de Knox devant l’entrée du site. Édouard se gara à côté en marche arrière pour pouvoir repartir le plus vite possible et, accompagné de Zaal, il rejoignit Boris et Davit, qui venaient de sortir de la seconde Mercedes. La vitre arrière de la voiture descendit lentement. Mikhaïl fit signe à ses hommes d’approcher. Stupéfait, Édouard constata qu’il avait le pantalon baissé autour des cuisses, le visage de la prostituée enfoui dans son entrejambe.
— Alors, qu’est-ce qu’on fait, patron ? demanda Zaal sans sourciller.
Mikhaïl indiqua un café dont la terrasse donnait sur le parking.
— Allez m’attendre là-bas, répondit-il. Commandez-moi un café et un ouzo. J’arrive dans une minute.
La vitre remonta. Les hommes allèrent s’installer autour d’une table isolée, de laquelle on voyait l’entrée du site et les voitures stationnées. Édouard regarda avec fascination la Mercedes de Mikhaïl se balancer d’avant en arrière et l’expression outrée des passants, qui voyaient la scène en ombres chinoises derrière les vitres teintées. Se faire une prostituée au grand jour... Comme Édouard enviait cette capacité à ignorer totalement les autres ! L’orgasme arriva et la Mercedes redevint immobile. Quelques instants plus tard, la portière arrière s’ouvrit et la prostituée sortit, la main entre les cuisses et sa veste jetée sur une épaule. Elle chancelait légèrement sur ses talons aiguilles, peu appropriés pour marcher sur les pavés. Mikhaïl apparut un peu après. Il regarda son reflet dans la vitre teintée, rajusta son col et se dirigea vers le café.
Le portable de Boris se mit à sonner. Celui-ci répondit et le tendit à Édouard.
— C’est pour vous, dit-il.
— Vous avez réfléchi ? demanda Sandro de but en blanc.
— Est-ce que ma femme est là ? l’interrogea Édouard.
— Je vous la passe. Je vous donne trente secondes.
— Nina, est-ce que ça va ? s’enquit Édouard anxieusement.
— Je vais bien, assura-t-elle, même si elle semblait un peu sur ses gardes. Nous sommes allés faire du cheval ce matin, y compris Kiko. C’était la première fois pour lui depuis le jour où il en avait fait avec Nicoloz Badridze.
— Nicoloz Badridze ? bredouilla Édouard en se poussant pour faire de la place à Mikhaïl. Tu ne parles pas de...
— Si, de Nicoloz Badridze, mais ne t’inquiète pas. Oncle Ilya a été avec lui pendant toute la promenade et l’a tenu par le bras pour s’assurer qu’il ne tombe pas. On s’amuse comme au bon vieux temps, tu vois ?
— Oui, je vois, répondit Édouard d’un ton neutre. Dis aux enfants que je pense à eux.
— D’accord. J’espère que tu nous redonneras
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