Le secret d'Eleusis

entendu parler de cet homme, mais j’ai retrouvé son acte de naissance. Il s’agit d’un des fils de Sandro Nergadze et donc d’un petit-fils d’Ilya. Tous les fils de Sandro ont fréquenté la même école, dans la banlieue de Gori ; j’ai demandé à un ami de consulter leurs dossiers. Mikhaïl y a fait sa scolarité jusqu’à l’âge de quatorze ans, puis il a brusquement été envoyé dans une école publique en Angleterre.
    — Et alors ?
    — Cela m’a juste paru étrange, c’est tout. Mais j’avais un pressentiment. Alors, j’ai passé en revue les journaux locaux. Deux jours avant que Mikhaïl ne soit envoyé à l’étranger, une fillette de douze ans avait été enlevée dans un orphelinat situé à proximité de l’école.
    — Cela ne prouve rien.
    — J’ai contacté l’autre école de Mikhaïl, en Angleterre. J’ai prétendu qu’il avait postulé pour un poste et que je vérifiais ses références. Mikhaïl est resté moins d’un an dans cet établissement et seulement deux trimestres dans le suivant. Je me suis inscrite sur un site d’anciens élèves et j’ai demandé si quelqu’un se souvenait de lui. Les membres n’ont pas été très loquaces. J’ai même eu l’impression qu’ils avaient peur de lui, même après toutes ces années.
    À cet instant, Sokratis freina d’un coup sec et fit crisser les pneus contre le trottoir.
    — Votre station de métro, annonça-t-il en se retournant pour ouvrir la portière de Knox. Maintenant, descendez !
    — Une minute, exigea Nadia.
    — Non, sortez ! cria Sokratis. Tout de suite !
    — Taisez-vous ! lui ordonna Nadia, à bout de patience.
    Elle se tourna de nouveau vers Knox.
    — Personne ne savait avec certitude pourquoi Mikhaïl avait quitté ces deux écoles anglaises, reprit-elle, mais il y avait eu toutes sortes de rumeurs abjectes. Après, il a tout simplement disparu. Sur le Net, je n’ai retrouvé sa trace qu’à Chypre, où il a mené une vie de gosse de riches en fréquentant les discothèques et les soirées de la jet-set. J’ai demandé au type des Opérations aéroportuaires de me prévenir lorsque Mikhaïl reviendrait en Géorgie mais, lorsqu’il m’a appelée, c’était pour me dire que le jet des Nergadze repartait pour Athènes avec quatre membres du personnel de la famille. Je me suis dit qu’il devait se passer quelque chose d’important ici. Mais je ne pouvais pas arriver avant eux, alors j’ai pris contact avec ce valeureux détective grec par le biais de son site Web et je lui ai demandé de les suivre.
    — Ça suffit ! tonna Sokratis, comme s’il avait conscience d’être insulté. Sortez !
    Knox descendit sur le trottoir mais laissa la portière ouverte.
    — Vous voulez qu’on se retrouve plus tard ? demanda-t-il à Nadia. Je suppose qu’on pourrait s’aider mutuellement.
    — Pas ce soir, répondit-elle. J’ai trop de choses à faire.
    — Demain matin pour le petit déjeuner, alors ?
    — D’accord, accepta Nadia en sortant son agenda. Où ?
    Knox se méfiait de Sokratis comme de la peste. Il prit l’agenda de Nadia et écrivit le nom et l’adresse d’un café de la Plaka.
    — Huit heures et demie ? suggéra-t-il.
    — Très bien, à demain.
    — Une dernière chose : pourquoi vous intéressez-vous tellement à ce type ?
    — Je vous l’ai dit. Je suis journaliste.
    — Dites-moi la vérité. Personne ne fait ce que vous avez fait uniquement parce qu’un homme était adossé contre un mur.
    Nadia rit avec amertume. Elle regarda par-dessus l’épaule de Knox et s’abîma dans ses souvenirs.
    — Je l’ai reconnu, admit-elle. Dès que je l’ai vu, j’ai su que j’avais déjà eu affaire à lui.
    — Quand ?
    Le regard de Nadia revint se poser sur Knox. Elle trouva la force d’esquisser un sourire.
    — La nuit où mon mari a été tué, répondit-elle.
    III
    Gaëlle accepta volontiers la proposition de Iain de partir à la recherche d’un sentier menant à la ferme, d’autant qu’elle avait de plus en plus mal aux jambes. En outre, le peu de végétation qui parvenait à voir le jour à travers les fissures de la roche nue se défendait farouchement avec de redoutables épines. Après en avoir retiré quelques objets fragiles, Gaëlle s’assit sur son sac et se reposa un peu. Un cafard avançait lentement entre les cailloux. Elle le regarda jusqu’à ce qu’il disparaisse. Une pointe rocheuse attira son attention. Étonnamment lisse,