Le seigneur des Steppes
ville, elles se ressemblaient toutes.
L’Assassin entendit un bruit derrière lui et se raidit en se
rendant compte que c’était une inspiration, de celles qu’on prend avant de
pousser un cri. Il filait déjà quand des mots fusèrent et il disparut dans l’obscurité.
Il ne comprit pas ce qu’ils signifiaient, mais la réponse fut presque immédiate.
Des guerriers sortirent en chancelant de toutes les yourtes en vue, un arc ou
un sabre à la main.
C’était Djötchi, dont le sommeil avait été perturbé par une
présence dans la yourte, qui avait crié. Réveillés en sursaut, ses frères s’étaient
mis à geindre et à poser des questions dans le noir.
— Que se passe-t-il ? demanda Börte, repoussant
les couvertures.
Djötchi était déjà debout.
— Il y avait quelqu’un dans la yourte. Gardes !
— Tu vas réveiller tout le camp, dit sa mère. Ce n’était
qu’un mauvais rêve…
— Non, je l’ai vu.
Chatagai rejoignit son frère tandis que des cors sonnaient l’alarme.
Börte jura à mi-voix.
— Prie pour que tu ne te sois pas trompé, Djötchi, sinon
ton père t’arrachera la peau du dos.
Le jeune garçon sortit de la yourte sans se donner la peine
de répondre. Des guerriers se pressaient autour des tentes, cherchant un intrus
avant même de savoir ce qui se passait. Djötchi avala péniblement sa salive en
espérant qu’il n’avait pas rêvé.
Chatagai le rejoignit, la poitrine nue, protégé uniquement
du froid par ses jambières. Les étoiles éclairaient un peu le camp, mais la
confusion était telle que, deux fois, des guerriers les empoignèrent et ne
relâchèrent leur étreinte qu’après les avoir reconnus.
Djötchi vit son père marcher à grands pas entre les tentes, le
sabre à la main.
— Qu’y a-t-il ? demanda Gengis.
Ses yeux se posèrent sur son fils, dont il sentit la
nervosité. Sous le regard froid de son père, le garçon se mit à trembler, soudain
convaincu qu’il avait réveillé tout le monde pour rien. Il fit néanmoins front,
refusant d’être humilié devant son père.
— Il y avait un homme dans la yourte, soutint-il. Je me
suis réveillé et je l’ai vu sortir.
Avant que Gengis ait pu répondre, d’autres voix résonnèrent :
— Par ici ! Des morts !
Gengis perdit tout intérêt pour son fils à l’idée qu’un
ennemi s’était introduit dans le camp.
— Trouvez le meurtrier ! tonna-t-il.
Kachium accourut, un sabre à la main. Khasar suivait de près
et les trois frères tentèrent ensemble de démêler le sens de ce chaos.
— Expliquez-moi, dit Khasar, le visage encore bouffi de
sommeil.
— Djötchi a vu un homme dans sa tente et deux gardes
sont morts, répondit le khan, tendu comme une corde. Il y a un ennemi parmi
nous et je veux qu’on le trouve…
— Gengis ! appela Börte.
Il se tourna vers elle et, du coin de l’œil, vit une ombre se
mettre en mouvement en entendant son nom.
Il entrevit l’Assassin qui se ruait sur lui et balança son
sabre. L’homme se jeta sur le côté, roula sur lui-même et se releva, un couteau
dans chaque main. Gengis comprit qu’il les lancerait avant qu’il puisse frapper
de nouveau et se précipita sur la forme sombre, la décolla du sol. Il sentit
une douleur à la gorge et, dans la seconde suivante, ses frères transperçaient
l’Assassin de leurs lames avec une telle force qu’elles le clouèrent dans le
sol. Il ne poussa pas un cri.
Gengis voulut se relever, mais il avait la vision
étrangement trouble et le monde tournait autour de lui.
— Je suis touché… dit-il en titubant.
Il entendit les côtes de son agresseur craquer quand ses
frères tombèrent sur lui à genoux. Il porta une main à son cou, cligna des yeux
en regardant ses doigts ensanglantés. Son bras lui parut terriblement lourd et
il bascula en arrière sur la terre desséchée, l’esprit encore en pleine
confusion.
Il vit le visage de Jelme se pencher lentement vers lui et
papillota des yeux, incapable de comprendre ce qu’on lui disait. Jelme déchira
le col du deel pour dégager la blessure.
Quand il parla de nouveau, sa voix résonna curieusement aux
oreilles de Gengis. Le fils d’Arslan ramassa le couteau de l’Assassin, jura en
découvrant une tache sombre sur le tranchant.
— La lame est empoisonnée, dit-il.
Sa peur soudaine se refléta sur les visages de Kachium et de
Khasar, qui se tenaient, hébétés, près de leur frère. Jelme se jeta à genoux, plaqua
sa
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