Le seigneur des Steppes
sur celui
qui reviendrait le plus vite au point de départ. Il le traversa rapidement, pressa
sa paume contre la muraille qui signifiait qu’il était de nouveau chez lui et
en sécurité.
Au-dessus de sa tête, une douzaine d’hommes étaient
accroupis sous les créneaux. L’espion chercha des mains une pierre sur le sol. Les
nuages filaient dans le ciel, la lune réapparaîtrait bientôt dans une brèche, il
fallait qu’il soit de l’autre côté avant. Il frappa le mur avec la pierre, entendit
la corde descendre avant de la voir. Il se mit à grimper tandis que
simultanément les soldats le hissaient pour lui faire gagner du temps.
L’instant d’après, l’espion se retrouva en haut des
murailles de Yenking et s’inclina devant son maître, qui se tenait près du
groupe de soldats.
— Parle, ordonna l’homme en promenant son regard sur le
camp mongol.
— Gengis est blessé. Je n’ai pas pu m’approcher de lui
mais il vit encore. Toutes sortes de rumeurs circulent dans le camp, personne
ne sait qui lui succédera s’il meurt.
— L’un de ses frères, dit le maître.
L’espion se demanda alors combien d’autres comme lui lui
faisaient leurs rapports.
— Peut-être. À moins que les tribus ne se séparent de
nouveau, sous la férule des anciens khans. C’est le moment d’attaquer.
Le maître eut un claquement de langue irrité.
— Je ne veux pas entendre tes réflexions, contente-toi
de me dire ce que tu as appris. Si nous avions une armée, crois-tu que le
régent resterait dans ces murs à ne rien faire ?
— Je suis désolé, s’excusa l’espion. Les Mongols ont de
quoi tenir des années avec ce qu’ils ont récupéré dans les magasins de la
Gueule du Blaireau. Je sais que certains officiers voudraient faire une
nouvelle tentative avec les catapultes, mais ils sont peu nombreux et aucun n’a
d’influence.
— Quoi d’autre ? Donne-moi quelque chose que je
puisse rapporter au régent.
— Si le khan meurt, ils retourneront dans leurs
montagnes, tous les hommes le disent. S’il survit, son armée pourrait bien
rester ici pendant des années.
Le maître jura à mi-voix, maudissant le porteur de mauvaises
nouvelles. L’espion baissa les yeux en silence. Il n’avait pas échoué : sa
mission était de rapporter fidèlement ce qu’il avait appris, il s’en était
acquitté.
— Trouve-m’en un que nous pourrons nous attacher, ordonna
le maître. Par cupidité, par peur, peu importe. Trouve-moi quelqu’un dans ce
camp qui convaincra Gengis de démonter la tente noire. Tant qu’elle restera
dressée, nous ne pourrons rien faire.
— Oui, maître.
L’homme partit sans un mot de plus et l’espion ainsi
congédié regarda les soldats dérouler aussitôt la corde le long de la muraille.
Quelques instants plus tard, il attachait le coracle de l’autre côté du fossé
et courait dans l’herbe pour regagner son poste. Quelqu’un d’autre s’occuperait
de faire disparaître l’embarcation, les Mongols ne remarqueraient rien.
Il lui fut difficile de suivre la course des nuages tout en
prenant garde à ce qui se passait autour de lui. L’espion excellait dans son
travail, sinon il n’aurait pas été choisi. Lorsque la lune apparut et éclaira
la plaine, il était déjà à plat ventre, caché par des buissons et toujours en
dehors du camp mongol. Dans la lumière argentée, il songea aux hommes de l’entourage
de Gengis. Pas à Khasar ni à Kachium. Ni à aucun des généraux. Ils voulaient
tous voir Yenking détruite, pierre par pierre. Il envisagea la possibilité de Temüge,
qui lui au moins n’était pas un guerrier. L’espion savait très peu de choses
sur le Maître du Négoce. Quand des nuages obscurcirent de nouveau la plaine, il
s’élança vers le cercle extérieur de sentinelles et reprit son poste, ramassa
arc et couteau, enfila ses sandales à semelle de corde. Il se raidit en
entendant quelqu’un approcher.
— Rien à signaler, Ma Tsin ? lui cria Süböteï en
langue jin.
L’espion dut faire un énorme effort pour ne pas haleter en répondant :
— Rien, mon général. C’est une nuit tranquille.
Süböteï marqua son approbation par un grognement avant d’aller
voir la sentinelle suivante. De nouveau seul, l’espion sentit sa peau se
couvrir de sueur. Le Mongol l’avait appelé par le nom qu’il avait donné. Le
soupçonnait-on ? Probablement pas. Le jeune général avait sans doute
obtenu ce détail par l’officier
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