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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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renverser le gobelet de vin qu’elle
portait à ses lèvres sur son beau manteau de louage. Pourtant, la brûlure de l’alcool
calma un peu sa nausée. Francesco de Leone se défit de sa lourde cape et
demanda :
    — Comment vas-tu, Hermine ?
    — J’ai eu très peur.
    — Tu es si vaillante. Bois encore quelques gorgées.
Reprends ton souffle.
    Hermine s’exécuta. Étrange comme cet homme magnifique
 – le seul qui se soit jamais refusé à elle lorsqu’elle n’avait que sa
chair à lui offrir en guise de reconnaissance  – l’apaisait d’un regard, d’un
de ses sourires qui naissait on ne savait trop d’où. Étrange comme lui seul
était parvenu à la réconcilier avec son âme. Avec celles des autres aussi,
parfois.
    Le souvenir de cet après-midi d’effroi lui revint aussi net,
aussi blessant, aussi précieux que s’il s’était agi d’hier.
    Il n’avait pas jugé, il n’avait presque rien dit, le bel
archange. Il s’était interposé sans un mot entre elle qu’il ne connaissait pas
et la grêle de pierres violentes. Le sang avait dégouliné de son front, de sa
pommette. Il n’avait pas protesté, pas reculé, pas tiré l’épée dont le fourreau
lui battait le mollet. Il s’était contenté de les fixer. Et son regard si bleu,
cette croix qui couvrait son cœur, avaient fait baisser la tête aux plus
acharnés de ses tortionnaires.
    Lapidée. Ils voulaient la détruire à coups de pierres.
Hermine faisait partie des bagages d’un seigneur chypriote, achetée au même
titre que les soieries, les chiens de chasse et les encensoirs. À la mort de ce
dernier, la veuve hystérique avait hurlé qu’elle avait envoûté son mari, lui
faisant déserter la couche conjugale pour l’assassiner ensuite à coups de
caresses et de philtres. L’idiotie de ces accusations n’avait arrêté personne :
on leur donnait l’excuse de tuer. Une meute humaine, des hommes, des femmes,
des enfants aussi, l’avait pourchassée des heures durant le long des falaises,
criant, s’apostrophant gaiement, se passant des bouteilles de vin. Ils avaient
fini par la coincer dans une crique. Exténuée, Hermine s’était tassée comme un
animal affolé, protégeant sa tête de ses bras. Elle l’avait lue dans leurs
yeux. La jouissance du meurtre permis. Une grêle de pierres s’était abattue sur
elle. Et soudain, il avait été là, la poussant derrière son dos. Et ils avaient
reculé, les crabes malfaisants qu’un minuscule pouvoir grisait au point de les
transformer en assassins.
    Étrange. Elle aurait été au bout du monde pour son
chevalier, mais il ne lui avait demandé que de pousser jusqu’au bout de la rue.
Jusqu’à la maison de l’Inquisition.
    Hermine tendit la main vers Francesco de Leone et il la
serra entre les siennes. Ce simple contact fit fermer les yeux à la jeune
femme. Il lâcha sa main et elle murmura :
    — Pardon.
    — Non. Pardon à toi. Je t’ai entraînée dans un acte
périlleux.
    — Tu m’avais prévenue. Il est si doux de te plaire.
(Elle eut un sourire d’excuse avant d’ajouter :) J’aime avoir une
interminable dette envers toi. Je te dois la vie et tu ne peux pas m’oublier,
car les vies que l’on sauve vous appartiennent. Nul ne peut s’en défaire, même
s’il le souhaite.
    Il sourit à son tour. Hermine, comme Éleusie, comme sa mère
et sa sœur avant, lui restituait sans le vouloir sa tendresse. Il abandonnait
le calcul. Il pouvait s’endormir sans crisper sa main autour de la garde de son
épée. Hermine et les autres femmes qui peuplaient sa mémoire le lavaient pour
quelques minutes des Giotto Capella et de ses semblables, de la multitude de
vilaines mâchoires qu’il croisait.
    — Qu’as-tu perçu de lui ?
    — Il ne s’agit pas de perception mais de faits, mon
chevalier. C’est une vermine de la pire espèce. Non, vermine ne convient pas.
Il est infect, souillé, sans réparation possible.
    — Je vois. C’est d’autant plus confortable pour lui que
le pape [32] a autorisé les inquisiteurs à s’absoudre mutuellement de leurs fautes et de
leurs irrégularités. Cette générosité leur permet maintenant de présider aux
séances de torture, ce qui leur était interdit avant. Je gage qu’on ne pouvait
faire plus appétissant cadeau à Florin.
    — Ils me terrorisent, murmura Hermine.
    — Ils terrorisent tout le monde. La peur qu’ils
inspirent est leur arme maîtresse. Raconte-moi.
    Elle lui relata dans le moindre détail

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