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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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parfumée de
romarin et de mauves, saluée comme une jeune dame par tous, Mathilde avait
enfin découvert la vie dont elle rêvait. Ah non ! L’entêtement de sa mère
l’en avait privée jusque-là, mais elle ne tolérerait pas qu’on lui arrachât ce
qui lui revenait de sang ! D’autant qu’elle devait également s’appliquer à
protéger son oncle bienfaiteur.
    — Je vous en prie... Nulle peine ne saurait être plus
terrible à mes yeux que de vous voir couvert d’opprobre par les errements de ma
mère, envers qui vous fûtes si bon. Trop bon.
    Magnifique. La jolie bécasse lui tombait toute rôtie dans le
bec !
    — Vous êtes si brave, ma radieuse princesse. Quel
réconfort dans cette tourmente. Ce douloureux plan apparaît donc comme le seul
qui nous demeure. Un témoignage.
    Mathilde ne fut pas surprise, elle y avait déjà pensé. Le
pape Honorius III n’avait-il pas recommandé dans une encyclique : « Que
chacun de vous ceigne son épée et n’épargne ni son frère, ni son plus proche
parent » ? Elle se contenterait d’obéir aux ordres d’un représentant de
Dieu sur terre.
    — Ainsi que vous le savez, ma nièce, aux yeux de l’Inquisition,
la non-dénonciation d’un hérétique équivaut à une complicité... Je m’en veux
tant de tracasser votre jolie âme d’une telle décision.
    — Non pas, mon oncle. Si ma mère n’avait commis la
stupidité d’accueillir cette... renégate de Sybille, grosse de surcroît, nous n’en
serions pas là, vous et moi. Et après tout... qui dit que ce suppôt satanique,
ce succube, n’a pas semé les germes de l’hérésie dans l’esprit de ma mère, la
condamnant à la damnation éternelle, bien plus effroyable qu’un procès ? J’en
frémis.

 
Maison de l’Inquisition, Alençon, Perche, novembre
1304
    Les premiers jours du mois avaient été doux et fort
pluvieux. Une boue malodorante dévalait dans les ruelles à la faveur de la
moindre averse, mais Nicolas Florin ne regrettait pas son beau soleil de
Carcassonne. Il avait, ainsi qu’il se plaisait à le nommer pour lui-même, « engrangé »
d’autres affaires, fort lucratives, qui suivraient le procès d’Agnès de
Souarcy. Il attendait d’ailleurs d’un instant à l’autre l’arrivée de l’une de
ses futures bailleresses de fonds.
    Nicolas Florin avait ordonné que l’on abandonnât Agnès de
Souarcy une semaine dans son cachot des caves de la maison de l’Inquisition.
Nulle toilette ne lui était permise et son vase d’aisance n’était nettoyé que
tous les trois jours. En plus de l’eau, son ordinaire se limitait à trois
écuelles de soupe de lait aux racines [29] et un quart de pain de famine [30] .
Agnan, son secrétaire, le commandait chez un fournier. L’homme, surpris, avait
mis cette excentricité en année de bonnes moissons au compte d’une pénitence.
    Florin avait été un peu déçu. Il avait pensé qu’elle
refuserait si vile nourriture, mais elle en consommait chaque miette avec une
belle application. Il en avait compris la raison : Agnès de Souarcy s’apprêtait
à résister le plus longtemps possible. Bien... Le jeu n’en serait que plus
savoureux. Une semaine, c’est long lorsqu’on est seule, dans une pénombre
humide, avec pour uniques compagnes des pensées qui tournent en rond pour finir
par inventer le pire. Le plan de Nicolas Florin était simple et avait fait ses
preuves. Maintenir dans une terrible solitude, affoler durant quelques jours,
interroger, puis permettre quelques visites qui apporteraient à l’inculpé le
supplice de ce qui lui manquait : la liberté, les visages aimés, l’idée
que la vie du dehors est douce même lorsqu’elle est pénible. À la vérité, il s’agissait
là d’une stratégie destinée à briser les résistances et à faire avouer les plus
coriaces. Certes, il n’attendait pas d’aveux de la belle Agnès, puisqu’elle n’était
coupable que de s’être refusée à la lubricité de son demi-frère. Mais l’application
de ces brimades coutumières conférait des allures de vrai procès à cette
affaire, et il s’était délecté des heures entières en imaginant la panique qui
devait commencer de défigurer sa victime.
    Il soupira de bien-être en contemplant la pièce exiguë qui
lui servait de bureau. Sa petite table de travail, faite d’un bois médiocre qui
se fissurait, disparaissait sous l’amoncellement de ses carnets d’enquête. Leur
usage était impératif, et

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