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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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son entrevue avec
Nicolas Florin, n’omettant pas la caresse humide qu’il avait abandonnée dans sa
paume. Il se contenta de hocher la tête.
    — Je ne comprends pas, Francesco, reprit-elle. Ta
tante, ce que tu as compris du marché qu’a passé Larnay avec Florin, auraient
dû te renseigner.
    — Sans doute, d’autant que... (Il hésita puis se ravisa
avant d’expliquer :) Vois-tu, gentille Hermine, il s’agit de la
condamnation d’un homme. Il me faut savoir si sa cruauté naît d’une maladie d’âme
ou d’esprit. Je viens d’apprendre grâce à toi que son cerveau fonctionne bien
puisqu’il vend des procès contre profit personnel. Je veux lui offrir... un
dernier appel. S’il n’en profite pas, son temps de grâce sera écoulé.
    Elle hésita avant de poser la terrible question :
    — Il mourra ?
    — Je l’ignore. Je... n’organise jamais la mort d’un
ennemi. Elle survient ou pas. (Il marqua une pause puis expliqua :) Le
tavernier accepte que tu te changes à l’étage. Douce amie, il est temps de
rentrer à Chartres. J’ai loué un attelage qui te conduira. Je ne sais... Je ne
sais comment te remercier.
    — En ne me remerciant pas. Je te l’ai dit : on est
responsable de ses dettes, que l’on soit l’emprunteur ou l’emprunté. Tu ne te
débarrasseras jamais de moi, de mon souvenir, beau chevalier.
    Il la considéra en silence quelques instants puis ferma les
paupières en souriant :
    — Je ne le souhaite pas, Hermine. À te revoir, ma
valeureuse.
    Elle tenta de dissimuler l’émotion qui lui faisait monter
les larmes aux yeux en déclarant d’un ton vif :
    — N’oublie pas de restituer le manteau de vair au
loueur et surtout, réclame la caution, elle était scandaleuse. Ces gens vous
suceraient le sang si on les laissait faire ! En revanche, les souliers
sont en piteux état. Il en exigera le prix.
    — Je savais que Florin les remarquerait.

 
Maison de l’Inquisition, Alençon, Perche, novembre
1304
    La crasse collante qui maculait ses mains et ses jambes la
répugnait. Le crâne la démangeait et l’odeur de sa robe, tachée de sueur et du
lait tourné de la soupe qu’elle avalait au soir sans pouvoir distinguer sa
cuiller, lui soulevait le cœur. Elle avait défait son voile pour s’en
débarbouiller comme elle le pouvait en le trempant dans l’eau de son broc.
Depuis quand était-elle là ? Elle avait perdu la notion du temps. Trois
jours, cinq, huit, dix ? Elle n’aurait su le dire, se cramponnant à l’idée
que l’inquisiteur finirait bien par l’interroger. Ensuite... Ensuite ne surtout
pas imaginer ce qui suivrait. Florin comptait sur ses craintes pour la briser
et faciliter ainsi son ouvrage. Rien n’est plus destructeur que le désespoir,
sauf, peut-être, l’espoir.
    Avait-elle dormi le jour, la nuit, elle n’en était pas
certaine. Les cauchemars s’étaient succédé. Pourtant, elle avait trouvé l’antidote
à la terreur dans ses heures d’éveil. Elle avait fait le tour des plus jolis
moments de sa vie. Ils étaient fort peu nombreux, aussi avait-elle dû les
ressasser. Elle s’était contrainte à revivre encore et encore une cueillette de
fleurs, une récolte de miel, l’accouchement d’une jument, le sourire futé de
Clément. Elle avait récité des heures entières les lais de madame Marie de
France, reprenant au début lorsqu’elle butait sur un vers. Elle avait réinventé
des dialogues entiers, des menus riens : les fables que lui contait madame
Clémence, les ordres qu’elle donnait pour un dîner, ses consolations pour
apaiser Mathilde, une discussion de théologie avec le frère chapelain. Si peu
de choses en vérité. Sa vie se résumait à si peu de choses.
    Agnès sursauta. Un écho de pas lourds descendant l’escalier
de pierre qu’elle avait emprunté elle ne savait plus quand, suivie de Florin
qui tenait à lui présenter son lieu de détention. Elle se redressa, guettant
les bruits, tentant de les interpréter. Venait-il l’interroger ?
    Les pas s’arrêtèrent bien avant sa cellule. Une sorte de
glissement suivi d’un piétinement. Quelque chose de lourd que l’on traînait.
Elle se précipita, collant son oreille au panneau de bois, attendant, épiant le
silence.
    Un hurlement, suivi d’un sanglot. Qui ? L’homme qui l’avait
suppliée de mourir vite ?
    Le hurlement reprit, encore et encore, pour ce qui lui
sembla une éternité de douleur.
    La salle de Question était voisine des

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