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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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plus pesante qu’à
l’accoutumée. Elle s’enquit :
    — Auriez-vous peur ?
    — Bien sûr, ma mère. Cependant, la grandeur de l’être
humain n’est-elle pas de lutter contre la peur animale et d’avancer, quand même
elle lui soufflerait de se tapir dans un refuge et de n’en plus sortir ?
    Un sourire attristé naquit sur les lèvres d’Éleusie :
    — Vous venez de résumer ma vie. J’ai toujours eu peur.
J’ai lutté avec plus ou moins d’éclat. Je compte bien plus de défaites que de
victoires. Il me vient de plus en plus souvent le regret que la mort ne m’ait
pas choisie en place de l’une de mes sœurs de sang. Elles eussent été tellement
plus assurées, tellement plus fortes que moi.
    Annelette s’assit sur le rebord du lit, à ses côtés, avant
de murmurer :
    — Qu’en savez-vous ? Qui sait où nous pousse l’échiquier
que vous avez évoqué ? Qui sait à quelles fins ?
    La sœur apothicaire laissa échapper un soupir. Un bref
silence s’installa entre les deux femmes, que rompit Éleusie :
    — J’ai la sensation qu’un dense brouillard m’environne.
Je ne sais que tenter, dans quelle direction progresser.
    Annelette redressa le dos et déclara d’une voix redevenue
péremptoire :
    — Nous ne sommes plus isolées, maintenant. Nous sommes
deux et je n’ai nulle intention d’attendre que cette vipère malfaisante frappe
à nouveau en toute impunité. Que nenni ! Elle va me trouver sur son chemin
et je... nous ne ferons pas de quartier !
    Un peu de l’assurance, de la rage même, que l’abbesse perçut
dans le débit de sa fille se communiqua à elle. Elle se redressa à son tour et
demanda :
    — Que pouvons-nous faire ?
    — D’abord redoubler de vigilance afin de garantir notre
propre sécurité. Je vous l’ai dit, ma mère : notre vie ne nous appartient
plus, nous ne pouvons en disposer à notre guise, et surtout pas en faire don à
une meurtrière. Ensuite, nous allons enquêter. Benoît est mort. Nous sommes
donc livrées à nous-mêmes. Aucune aide providentielle ne se portera à notre
secours. La criminelle est rusée. Je crois qu’elle se fournit en prélevant de
mes remèdes dans l’armoire de l’herbarium, preuve qu’elle possède de solides
connaissances dans la science des poisons. Je vais donc vider le contenu de
certains sacs et fioles. Il nous faudra trouver un endroit sûr pour les
remiser...
    Éleusie songea aussitôt à la bibliothèque. Toutefois, elle
garderait l’existence de ce lieu secrète, même vis-à-vis d’Annelette.
    — Ensuite, je réserve un petit tour de ma façon à ce
serpent.
    — Quel tour ?
    — Je préfère vous en conserver la surprise, ma mère.
    L’évidente défiance d’Annelette rassura Éleusie. La sœur
apothicaire ne se laisserait abuser par personne. Aussi n’insista-t-elle pas
pour connaître son plan et se contenta-t-elle de hocher la tête.
    — Enfin, poursuivit sa fille, le plus important demeure
Blanche de Blinot. Pourquoi a-t-on voulu tuer cette vieille femme sénile, à
moitié sourde, et qui oublie d’un instant sur l’autre ce qu’elle a fait ou dit ?
    Le portrait était peu généreux, mais Éleusie était au-delà
des petites réprimandes qui avaient occupé sa vie d’avant.
    — Blanche est notre doyenne, reprit la sœur
apothicaire. Elle vous seconde et fait office de grande prieure dans ses
moments de lucidité, lesquels se raréfient de plus en plus.
    Annelette se leva d’un bond. Une idée venait de lui
traverser l’esprit. Elle pointa un doigt accusateur vers l’abbesse en criant
presque :
    — Et elle est également gardienne du sceau !
    — Mon sceau ? s’affola Éleusie en se levant à son
tour. Pensez-vous que quelqu’une l’aurait emprunté ? Une brise-scellé [37]  ? On peut tout faire avec mon
sceau... envoyer des missives secrètes à Rome, au roi, valider des actes, et
même des condamnations à mort... que sais-je...
    — Lorsque Blanche ne l’utilise pas pour authentifier
les actes mineurs qu’elle signe en votre nom afin d’alléger votre tâche, où
est-il remisé ?
    — Dans mon coffre, en compagnie des écritures
confidentielles.
    Au moment même où elle prononça cette phrase, la lumière se
fit dans son esprit. Sans doute Annelette ne perçut-elle pas son trouble puisqu’elle
insista :
    — S’y trouve-t-il toujours ?
    — Non... Enfin, oui, j’en suis certaine, affirma l’abbesse
en plaquant la main sur sa poitrine,

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