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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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au-dessus des
ruelles. Chaque immeuble s’ouvrait sur la rue d’un éventaire ou d’un atelier.
Leone commença de remarquer quelques femmes dont la mise indiquait l’occupation*,
ainsi que l’exigeaient l’Église et le pouvoir. Les couleurs plus vives de leurs
robes, leurs échancrures immodestes, mais aussi l’interdiction qui leur était
faite de porter les mêmes bijoux ou les mêmes ceintures que les bourgeoises ou
les nobles dames, les signalaient aux acheteurs du service de chair. Leone en
déduisit la proximité d’une maison de fillettes,
comme il en existait dans les grandes villes [57] [58] .
Une bordeleuse, guère plus âgée que quatorze ans, aborda Florin. Il la détailla
de la tête aux pieds, la jaugeant comme il l’eut fait d’un cheval. Le chevalier
se rencogna sous une porte, surveillant les tractations qui s’engageaient à
quelques toises de là, n’osant imaginer ce que la pauvre fille allait subir
contre quelques pièces, car il ne doutait pas que les goûts sexuels de Florin
le portassent également à la violence et à la torture. Ils s’éloignèrent enfin
pour disparaître dans l’échoppe d’un chanevacier [59] qui devait prolonger la maison
lupanarde.
    Il s’écoula une bonne demi-heure avant que l’inquisiteur ne
reparaisse, seul, un mince sourire de satisfaction sur le visage, et Leone se
demanda si la fillette commune [60] pouvait encore se lever. Les souteneurs, qui fournissaient la chandelle et le
vin, ne se mêlaient pas des ébats de leurs clients, aussi abusifs soient-ils,
tant qu’ils touchaient leur part.
    Florin parcourut en sens inverse le chemin qu’ils avaient
suivi plus tôt, Leone à sa suite, mais au lieu d’obliquer dans la rue des
Petites-Poteries, il poursuivit tout droit, jusqu’à croiser la rue de l’Ange.
Il s’engouffra bientôt sous le porche d’une demeure bourgeoise. Leone patienta
quelques secondes et s’approcha. Un rez-de-chaussée et un premier étage
construits de pierre soutenaient le second, monté en colombages. La couverture
d’ardoises semblait neuve et avait sans doute remplacé récemment l’habituel
toit de chaume, prouvant que le propriétaire des lieux était fort aisé. Les
fenêtres de petite taille étaient faites d’un châssis dormant de bois et
protégées de toile huilée. Les volets intérieurs étaient repoussés, sauf ceux
du premier étage. Les bouches d’écoulement vers la rue qui permettaient de se
défaire des eaux sales de cuisine étaient sèches, tout comme les aisements qui
conduisaient les déjections humaines vers les égouts ou vers une fosse à
vidange. De fait, cette belle demeure semblait depuis peu à l’abandon.
    Florin devait louer une petite pièce dans la rue du Croc
afin de s’y métamorphoser en riche bourgeois et rejoindre ensuite cette demeure
cossue. À qui appartenait-elle ? Pourquoi semblait-elle vide d’occupants ?
    Il ne fallut qu’une heure et beaucoup de mensonges à Leone
pour l’apprendre des divers boutiquiers qui ouvraient rue des Petites-Poteries
et rue de l’Ange. Le sieur Pierre Tubeuf, riche drapier, avait fort
opportunément été convaincu d’hérésie et de commerce avec le diable, et ses biens
confisqués par l’Inquisition. Sa femme et ses deux fils avaient fui la ville,
terrorisés à l’idée que toute plainte de leur part n’encourage l’inquisiteur à
poursuivre avec eux son ouvrage, et Leone ne doutait pas que tel eut été le
cas. Florin s’était offert une magnifique maison à moindre frais.
    Le chevalier quitta le quartier peu après. Il savait
maintenant où logeait le tortionnaire d’Agnès.
    Artus d’Authon s’impatientait devant une chope de bière au
miel à laquelle il avait à peine touché. Que faisait donc ce gamin ? Il
aurait déjà dû revenir faire son rapport depuis bien longtemps. Le comte
luttait contre la rage et surtout le découragement. S’était-il fait gruger par
ce petit mendiant ? Pourtant, l’attrait d’un autre denier aurait dû le
séduire. Florin avait-il découvert son suiveur, lui passant l’envie de
poursuivre son espionnage ? Une vague inquiétude le saisit au sujet du
galopin, mais il se rassura. Ces jeunes filous des rues étaient prestes, et
parvenir à leur mettre la main au col relevait de la prouesse. Il ragea contre
lui-même. Que faire maintenant ? Florin le reconnaîtrait bien vite s’il se
mettait en tête de le suivre. Il maudit sa lourdeur d’homme d’honneur. Il
pouvait provoquer en

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