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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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duel, se battre et vaincre, en revanche les finasseries et
les ruses lui étaient étrangères, et il se sentait démuni contre une vipère
agile de la mesure de l’inquisiteur. Monge de Brineux, son grand bailli, ne lui
serait d’aucun secours en la matière, lui ressemblant trop. La solution s’imposa
à lui dans toute sa soudaineté et sa clarté : Clément ! Florin ne
connaissait pas le garçon, mais celui-ci avait fait la preuve de son courage et
de son intelligence, d’autant qu’il était prêt à tout pour sauver sa chère
dame. Un précieux soulagement détendit Artus, qui le célébra en dégustant sa
bière. Après-demain, il reviendrait à Alençon en compagnie de Clément. Au soir,
Florin rejoindrait l’endroit qu’il n’aurait jamais dû quitter : l’enfer.
Le comte invoquerait alors le jugement de Dieu. Son accusateur mort, frappé par
le bras divin, Agnès serait libre. Il se leva d’un bond, manquant renverser sa
table, et sortit avec précipitation sous le regard étonné des autres clients.
    Le chevalier de Leone retrouva la rue des Carreaux qui
devait le mener à son rendez-vous, à l’auberge du Bobinoir [61] , rue de l’Étoupée. Il se guida aux
beuglements puissants d’un crieur [62] chargé d’annoncer de par le quartier le prix du vin qu’on y servait.
    Le seigneur Bobinoir, puisqu’il était de coutume de nommer
les taverniers d’après leur enseigne, leva la tête à l’entrée du chevalier, se
demandant ce qu’un forgeron venait faire dans son établissement où se
réunissaient les merciers, corporation dont la richesse et le poids allaient
croissants et que l’on considérait maintenant avec les mêmes égards que les
bourgeois. Maître Bobinoir hésita. Ses habitués n’aimaient pas trop que le
représentant d’une profession inférieure s’installât au milieu d’eux. Enfin,
tant que ce n’était pas un tanneur accompagné de la pestilence de charogne qui
imprégnait ses vêtements ou un gueux de teinturier [63] , l’heure n’était pas aux mesures d’exclusion
pure et simple. D’autant que quelque chose dans le maintien de l’homme
intriguait le sieur Bobinoir, une sorte d’aisance, de désinvolture sans morgue.
Sans doute les autres clients attablés ce jour-là le sentirent-ils également,
car, après avoir dévisagé le nouveau venu, ils replongèrent bien vite dans
leurs conversations. Le forgeron parcourut la salle du regard puis se tourna
sans un mot vers le tenancier qui lui indiqua du menton une table à l’écart où
il pouvait s’installer.
    Lorsqu’il se planta devant lui pour prendre commande, le
seigneur Bobinoir mit un point d’honneur à marquer le coup haut et fort afin de
rassurer ses habitués :
    — Nous sommes gens de bonne compagnie, forgeron...
aussi pour cette fois le Bobinoir vous accueillera-t-il avec amabilité. Si vous
aviez encore soif demain, faites-nous la courtoisie de rejoindre plutôt la
taverne de vos gens de métier.
    Le forgeron leva vers lui un regard bleu profond, et une
sorte de gêne noua la gorge de maître Bobinoir, qui se contraignit à ne pas
reculer afin d’éviter de perdre la face devant ses clients. Pourtant, un
sourire tardif étira les lèvres de l’homme :
    — Vous êtes bien affable, seigneur Bobinoir, et je vous
en sais gré. J’accepte votre hospitalité et me souviendrai qu’elle était d’exception.
    — Bien l’ami, tonna le tavernier, assez content de sa
relative fermeté. Du vin ?
    — Oui, et votre meilleur. J’attends un compagnon... un
dominicain, qui n’est pas des merciers, mais...
    — Oh, un moine ? Ce sera un honneur pour mon
établissement, le coupa maître Bobinoir d’un ton pénétré.
    Quelques minutes plus tard, Jean de Rioux, frère cadet d’Eustache
de Rioux, parrain hospitalier de Leone, pénétrait dans la taverne. Il devint
aussitôt objet d’empressement de la part de maître Bobinoir, qui voyait en son
arrivée une sorte de démonstration publique que son établissement attirait le
sel de la terre et n’était en rien un sombre moutier du péché.
    Lorsque son vieil ami le rejoignit à sa table, le chevalier
se leva et serra contre lui ce cœur hardi et intègre qui n’avait pas reculé
devant une vile tâche d’espion afin de demeurer toujours à la hauteur de sa foi
et de celle de son frère défunt avant lui.
    — J’en veux au destin, Jean, car le plaisir que j’ai de
vous revoir après tant d’années est endommagé par les

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