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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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sentit nettement sa peau se déchirer. Un
tissu un peu douloureux. Quelque chose de très doux et de tiède coula de son
dos vers ses flancs pour s’égoutter sur la table. La chair lui brûlait,
pourtant, il s’agissait à peine de la sienne. Une seule idée lui vint, une
consolation : son sang rejoignait celui de la pauvre âme qui l’avait
précédée sur cette table. Elle sentit la main de son tortionnaire caresser sa
chair à vif. Elle sentit la pluie de poudre que l’on versait sur ses plaies.
Une douleur crucifiante la fit hurler malgré la bille marron. Du sel. Ce
démoniaque versait du sel sur ses blessures.
    Elle glissa vers le coma et l’appela de toutes ses forces.
Les éructations hystériques de Florin lui parvenaient comme dans un cauchemar.
Il bafouillait d’exaltation, il gloussait tout en lui commandant de confesser
ses fautes. Il cria d’une voix tremblante d’excitation :
    — Bourreau, cette sorcière résiste à Dieu... Le fer...
Le fer et qu’il soit blanc de chaleur...
    Des coups violents frappés. Un sanglot échappa à Agnès,
juste avant la bienveillance de l’inconscience.
    Jean de Rioux se tenait devant l’inquisiteur. Il se garda de
regarder en direction de la suppliciée, prétendant l’indifférence.
    Florin haletait, courbé, le visage en sueur, le regard
vague. L’écœurement prit l’autre dominicain à la gorge, et il combattit l’impérieux
désir d’éliminer l’inquisiteur sur-le-champ, dans cette cave qu’il avait
transformée pour son plaisir en salle de jeux monstrueux. Mais les instructions
de Leone étaient formelles : le jugement de Dieu. Il tendit, sans un mot,
la missive au tortionnaire.
    À la vue du sceau qui la fermait, le regard de l’inquisiteur
reprit de sa netteté. Il murmura, étonné, séduit :
    — Le sceau-sans-pape ?
    Ce message ne pouvait donc émaner que d’un des deux
camerlingues, et plus que certainement d’Honorius Benedetti en personne. Il
décacheta la lettre en frémissant. Quel éblouissement. Son pouvoir s’étendait
donc puisque le camerlingue lui adressait correspondance directe.
    Il lut et relut l’ordre rédigé en latin :
    « Il est fondamental que la stricte procédure soit
appliquée à madame de Souarcy afin que le procès ne puisse être entaché d’erreur.
Mes ennemis sont maintenant les vôtres, ce qui nous lie définitivement. Mon
messager récupérera cette missive. H.B. »
    Dégrisé, Florin leva le regard vers le grand homme sévère.
Ainsi, il était bien un émissaire secret du camerlingue, ce qui expliquait son
intervention contradictoire face à Mathilde de Souarcy. Sa mission était de s’assurer
que nul vice de procédure ne sauverait madame de Souarcy. Que ne l’avait-il
fait sentir plus tôt ? Si Florin l’avait compris, il ne lui aurait pas
souhaité mille morts lorsqu’il avait exigé que soit récusé le témoignage de
cette idiote de donzelle. Mais sans doute Jean de Rioux était-il contraint au
plus grand secret.
    « Mes ennemis sont maintenant les vôtres, ce qui nous
lie définitivement. » Quelle magnifique insinuation... Rome, la grandeur,
bientôt !
    La voix de Jean de Rioux le fit presque sursauter.
    — Gardes... Raccompagnez madame de Souarcy dans sa
cellule. Que ses blessures soient nettoyées et qu’elles soient pansées.
    Les gardes, interloqués, jetèrent un regard surpris en
direction de Florin, qui les apostropha :
    — Eh bien... Obéissez ! La demi-heure est écoulée.
La Question reprendra demain. (Puis, se tournant vers le dominicain, il ajouta
d’un ton doux :) Je vous raccompagne, mon frère en Jésus-Christ.

 
Abbaye de femmes des Clairets, Perche, novembre
1304
    Une
femme gisait sur une table de Question, allongée sur le ventre. Le sang de son
dos lacéré coulait avec lenteur vers le sol. La femme gémissait. Ses longs
cheveux clairs étaient collés de sueur et de rouge. Une main frôlait la chair
martyrisée et versait une poudre gris sale sur ses blessures. La femme se
cabrait puis s’affaissait, évanouie.
    Éleusie de Beaufort plaqua sa main sur ses lèvres pour
étouffer le hurlement qui montait dans sa gorge. Un vertige la plia sur sa
table de travail.
    La même vision lui revenait. Elle avait cru être la
suppliciée, elle s’était trompée. Ils torturaient Agnès, en ce moment même.
    Elle tomba à genoux, suppliant :
    — Mon Dieu... Mon Dieu... Francesco, mon doux chéri...
    Une nausée la coucha sur les larges dalles noires et

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