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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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murs attestaient de la richesse des
anciens propriétaires. Leone s’installa dans l’un des deux fauteuils poussés
devant la vaste cheminée de pierre.
    Florin reparut, porteur de deux verres de Venise, un luxe
rare et délicat que l’on ne commençait d’apercevoir que sur la table des plus
puissants princes.
    Il tira l’autre fauteuil vers son invité et s’installa, ses
genoux frôlant ceux de Leone, qui ne recula pas. Un délice d’un nouveau genre
avait envahi l’inquisiteur. Il avait ferré le poisson, magnifique prise en
vérité. S’il parvenait à séduire celui-là, qui pourrait lui résister ? Le
jeu, sa difficulté, la subtilité dont il devrait faire preuve le grisèrent plus
sûrement qu’un alcool. Il murmura d’une voix grave et tendre, une voix d’alcôve :
    — Je suis si... j’allais dire honoré, mais que ce terme
me déplaît à l’instant.
    — Ému ? proposa Leone en se penchant légèrement
vers lui.
    — Ému, en effet.
    — Quant à moi, je suis bouleversé, avoua Leone, et la
sincérité qu’il perçut dans la voix du chevalier fit frissonner Florin puisqu’il
se méprenait sur sa cause.
    — Bouleversé ? répéta l’inquisiteur en faisant
rouler le mot dans sa bouche à la façon d’une gourmandise. N’est-ce pas
déroutant que nos chemins se soient croisés de la sorte ?
    — Pas vraiment, rectifia Leone en plissant son regard
si bleu. Croiriez-vous au destin ?
    — Je crois au désir et à son assouvissement.
    La longue main fine, responsable de tant de tortures, s’avança
vers le visage du chevalier. Il la vit caresser l’air, sa transparence devenant
rosée dans la lueur des flammes. Leone ferma les yeux un bref instant et un
lent sourire étira ses lèvres. Il attrapa le poignet dans sa paume et se leva.
L’inquisiteur l’imita et avança d’un pas vers lui, son torse s’appuyant avec
légèreté contre celui de l’hospitalier.
    Un soupir.
    Les yeux si profonds de Florin s’élargirent et il ouvrit la
bouche sans qu’un son n’en sorte. Il recula en trébuchant et son regard
descendit pour s’arrêter sur le manche de la dague qui dépassait de son ventre.
Il hoqueta :
    — Mais pourquoi...
    Leone ne le lâchait pas du regard. L’autre tira la lame qui
le meurtrissait et un flot de sang trempa le devant de sa belle robe de nuit,
avivant ses broderies au fil d’or.
    — Pas pourquoi. Pour qui, plutôt. Pour la rose. Pour
que vive la rose.
    — Je ne... Vous disiez... bouleversé...
    — Je suis bouleversé jusqu’au fond de mon âme. Elle m’a
bouleversé à jamais. Je ne m’étais pas fourvoyé.
    Florin se cramponnait des deux mains au dossier de son
fauteuil afin de ne pas s’effondrer. Des idées s’entrechoquèrent dans sa tête
sans qu’il parvînt à les ordonner.
    — Agnès ?
    — Qui d’autre ? Ne cherchez pas, vous êtes
incapable de comprendre.
    — Le camer...
    — Vile ordure, impardonnable bourreau. Il n’y a jamais
eu de missive du camerlingue. Les ordres que tu as reçus étaient tracés de la
main de Jean de Rioux, clos grâce à un sceau décollé d’une très ancienne lettre
qui se trouve, parmi d’autres, en la bibliothèque d’une abbaye voisine.
    Une bulle de sang éclata à la commissure des lèvres de l’inquisiteur,
puis une autre suivie d’un chapelet d’éphémères perles rouge vif. Il toussa,
libérant un filet écarlate qui lui dégoulina le long du menton. Il grimaça sous
la douleur qui lui ravageait le ventre et explosait maintenant dans toute sa
férocité. Il geignit, butant sur ses mots :
    — J’ai mal, terriblement mal.
    — Tant de pauvres fantômes malmenés vont enfin reposer
en paix, Florin. Tes victimes.
    — Je... je vous en supplie... Je me vide de mon sang...
    — Quoi ? T’achever ? De quelle pitié peux-tu
te prévaloir pour mériter la mienne ? Une réponse, une seule, je n’en
demande pas davantage pour t’épargner les affres de l’agonie.
    La cendre commençait d’envahir le visage jadis si séduisant.
Leone se demanda combien de femmes, d’hommes avaient succombé à ce parfait
mirage pour découvrir ensuite le cauchemar qu’il dissimulait. Combien avaient
expiré après un univers de douleur entre ses longues mains fines. Des
vagissements d’enfant le ramenèrent à l’homme qui venait de s’écrouler devant
la cheminée.
    — J’ai mal... J’ai si atrocement mal... Je vais mourir,
j’ai si peur... Pitié, chevalier.
    Le grand regard

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