Le souffle du jasmin
c'est-à-dire le 14 mai 1948, et ne collaborerait pas à
l'application du plan de partage.
Le rêve de Theodor Herzl de fonder un État juif venait
de se réaliser.
Dans les quartiers juifs, le ciel fut témoin de scènes
de joie bouleversantes. On dansait, on pleurait, on riait, on rendait grâce à
l'Éternel.
À Degania, Irina Bronstein, née Marcus, et son époux
Samuel sanglotaient dans les bras l 'un de l 'autre ; leur fils Avram, quatorze ans, les
observait, émus, mais sans très bien saisir le sens de cette euphorie. Il était né ici. Ce pays n 'était donc pas le
sien depuis toujours ?
Sur les joues de Josef Marcus, des larmes coulaient aussi. À ce moment
précis, curieusement, sa pensée alla vers son ami Hussein Shahid, vers Mourad,
Soliman, Samia. Il fit signe à son petit-fils de s'approcher et le serra très
fort entre ses bras. S'il n'y avait eu ces musiques et ces chants qui
résonnaient dans tout le kibboutz, on aurait pu entendre le vieil homme
murmurer à Avram : « L'Éternel te protège. Qu'il te protège, toi et
tes enfants et les générations à venir. »
Dans les quartiers arabes, les sanglots qui montaient ne
parlaient pas de
bonheur, mais de deuil.
Le lendemain, l'aube éclaira une plaie béante d'où
émanait mélange de souffrance et de jubilation.
À 8 heures, des Arabes
cagoules interceptèrent l'un des bus qui reliaient Jérusalem à Tel-Aviv. Sept
morts. Tous Juifs.
De Haïfa à Tel-Aviv, de Jaffa à Ramallah, des vallées de
Jezr eel aux sables du Néguev, on pouvait entendre gronder un
volcan dans les entrailles de la Palestine.
Les militaires
britanniques laissèrent faire.
Le 1 er décembre, le Haut Comité arabe décréta
une grève générale de trois jours.
Nul n'imagina alors que le vent de haine qui s'était mis
à souffler soufflerait encore soixante ans plus tard et, sauf miracle, pendant
les soixante siècles à venir.
*
Haïfa, 30 décembre
1947
Abd el-Kader el-Husseini s'était agenouillé devant son
fils, Hussein, et le contempla comme on contemple l'une des merveilles du
monde.
Depuis qu'il était entré dans la maison des Shahid, le
combattant n'avait pas dit un seul mot tant l'émotion lui serrait la gorge.
L'homme qui l'accompagnait avait expliqué à la famille réunie au grand complet
comment, venant d'Égypte, ils avaient réussi à déjouer la surveillance des
militaires anglais pour s'infiltrer en Palestine.
Finalement Abd el-Kader se releva.
Il promena son regard autour de lui.
Il y avait là Mourad, Mona et leur fils Karim. Soliman,
l'ex-poète, aussi. Et bien sûr, Samia, l'épouse d’Abd el-Kader.
– Mes amis, lance le chef de l'Armée du djihad sacré, je meurs de soif.
Il se tourna vers Samia.
– Un thé à la
menthe sera le bienvenu.
Il s'assit, jambes croisées sous lui, à même le tapis. Les autres en
firent autant. À travers les volets clos, on perçut les premières rumeurs du
jour qui se levait.
– Les dés sont jetés, déclara Abd el-Kader. Ils ne nous laissent plus
le choix.
Karim, le premier, réagit.
– Nous allons nous battre.
Sa mère se mordit les lèvres jusqu'au sang.
– Oui, reprit Soliman avec encore plus de détermination, nous allons
nous battre, jusqu'à la mort.
– Bravo, mes enfants, approuva Abd el-Kader.
Il fixa Mourad.
– Ton fils et ton frère sont des lions. Grâce à eux, nous étranglerons
Jérusalem.
Mourad saisit la main de Mona. Son cœur battait la chamade. Il ne dit
rien.
*
Quartier est de Jérusalem, 5
janvier 1948
L'hôtel Sémiramis venait de sauter. La Haganah avait
reçu la veille des informations indiquant la présence de responsables
militaires arabes. On compta vingt-six morts, uniquement des civils.
Le 9, les kibboutz Dan et Kfar Szold, en Haute Galilée,
furent attaqués par des unités de l'Armée du djihad sacré, menée par Abd
el-Kader el-Husseini. Au premier rang des combattants se trouvaient Soliman
Shahid et son neveu, Karim. Neuf Juifs périrent au cours de l'engagement.
Le 22 février, Fawzi el-Koutoub, l'artificier d'Abd el-Kader – formé
en Allemagne par les nazis – gara un camion bourré d'explosifs en plein cœur du
quartier juif de Jérusalem. Quatre immeubles volèrent en éclats. Cinquante-huit
morts, des dizaines de blessés.
*
Paris, 5 avril 1948
Dounia sortit de la douche, se sécha et, drapée dans sa serviette, se
déplaça jusqu'à la grande psyché dressée
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