Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
Vom Netzwerk:
hommes ?
    Taymour avait fait mine d’examiner les clients autour de lui.
    – Où sont-ils ? Je ne vois ici que des endormis.
    Oui. L’Égypte dormait…
    – Alors ? grommela Farid. Tu veux bien me répondre ?
    La question de son père ramena Taymour au présent.
    – Non, bredouilla-t-il, tout va bien. Point d’amertume.
    Son regard se perdit dans les nuages, parmi les champs de coton qui
s’étendaient à perte de vue.
    Ahmed Zulficar avait dit :
« Demain d'autres hommes surgiront de l'ombre. »
    Où ? De quel coin de la terre
d'Égypte viendraient-ils ? L'un d'entre eux était-il déjà né ?
     
    À quelque quarante kilomètres de là,
au même instant, dans une modeste école du Caire, un jeune homme d'une
vingtaine d'années s'enflamme, mais sans hausser le ton. Tous ses traits
vibrent. La passion du sujet le dévore. La politique. La politique. L'Égypte.
L'Égypte. Ses professeurs essayent tant bien que mal de calmer ses ardeurs. Il
reste intraitable. On dit qu'il organise même des rencontres chez lui, dans le
minuscule logement qu'il occupe rue Khamis el-Ads, ou dans le jardin de la
mosquée Sidi el-Chaaraoui, où il a l'habitude de se rendre pour étudier,
méditer.
    L'homme est grand. Un mètre
quatre-vingt-quatre. L'œil est noir de jais. Le sourire est à la fois
enchanteur et carnassier. Tout en lui respire la force, la détermination et
l'audace.
    Il s'appelle Gamal Abdel Nasser...
     
     
    *
     
     
    Jérusalem, 4 janvier 1937
     
     
    David Ben Gourion, de son vrai nom
David Gryn, tapota affectueusement la main de Josef Marcus.
    – Veux-tu que je te dise, mon
ami ? La réponse à ta question est simple : le sort d'Israël dépendra
de sa force et de son sens de la justice. Les deux éléments sont
indissociables.
    Josef approuva d'un hochement de tête.
    Cet homme l'étonnerait toujours par sa vivacité, son
intelligence, mais surtout son extraordinaire esprit visionnaire. Ni la faim,
ni la pauvreté qu'il avait connue, ni ses crises de malaria qui s'emparaient de
lui sans prévenir et le laisser épuisé, cassé, rien ne semblait pouvoir dominer
le personnage. À l'instar de Marcus, il était venu de Pologne vers 1906, à
dix-neuf ans, originaire d'une petite ville industrielle, Plonsk, à une
soixantaine de kilomètres de Varsovie. Fils d'avocat, il avait découvert le
sionisme en épiant derrière la porte du bureau de son père les conversations
des amoureux de la terre de Sion, seulement, à la différence de ceux qui se
contentaient de discuter de sionisme, lui, David, voulait le vivre. Il avait
donc plié bagage et s'était rendu en Palestine, troquant assez rapidement le
nom de Gryn contre celui de Ben Gourion. En effet, à ses yeux, il n'y avait
rien d'hébreu dans le nom de Gryn ; en revanche, celui de Ben Gourion –
qui signifiait « fils de lion » – figurait un héros du siège de
Jérusalem au temps des Romains. Voilà qui avait tout de même plus de panache.
    – Pardonne-moi, David, intervint tout à coup Irina
Marcus. Tous ici ne pensent pas comme toi. Tu le sais bien. Les Arabes se
sentent volés, humiliés, dépossédés. Comment réussir à les convaincre de nous
accepter ?
    À trente-sept ans, la fille de Josef
Marcus n'avait plus rien de la petite fille fragile d'antan qui partageait
jadis les jeux des enfants de Hussein Shahid. Mariée depuis sept ans avec
Samuel Bronstein, un Polonais natif d'Otwock ; mère d'Avram, un garçon de
six ans, la gamine avait cédé la place à une femme d'une blondeur étincelante,
grande, épaules carrées, dotée d'un caractère volontaire et d'une allure
presque virile.
    Ben Gourion passa sa main à plusieurs
reprises dans sa chevelure grisonnante, considéra un instant Irina avant
d'annoncer :
    – En leur disant la vérité.
    Elle fronça les sourcils.
    – Oui. Le premier pas vers une entente entre les deux peuples est de ne pas cacher au
peuple arabe la vérité pleine et entière ; il existe un peuple juif de
dix-sept millions d'âmes qui, en raison de son instinct de conservation,
aspire, est obligé d'aspirer à rassembler le maximum possible de ses membres en Palestine. Tu as raison,
Irina, lorsque tu fais observer que cet élan n'est pas partagé et encore moins
souhaité par les Arabes de Palestine, lesquels veulent maintenir dans le pays
un statu quo qui, lui, a un caractère de domination démographique nettement
arabe. Seulement voilà, ils n'ont pas le choix. Il est indispensable qu'ils
comprennent

Weitere Kostenlose Bücher