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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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sommes là, pour nous en occuper.
    — Mais enfin, ces disparitions ne vous paraissaient-elles pas étranges ?
    — Nous n’avons pas à juger ce que pense et fait une mère !… Ni mes frères, ni moi, ni mes deux sœurs, ni nos femmes !
    Timothée sentit que son interlocuteur se cabrait. Il jugea inutile de poursuivre l’interrogatoire, prononça quelques paroles lénifiantes puis, regardant autour de lui, demanda à visiter la maison. Pierre, accompagné par l’une des femmes, celle qui s’occupait du souper et qui devait être son épouse, le conduisit à une grande pièce qui donnait sur la salle commune. C’était un dortoir où les emplacements réservés à chaque couple et à ses enfants étaient séparés les uns des autres par des tentures. Sur des étagères étaient disposés des objets très simples pour les soins corporels. Près des couches se trouvaient des coffres à vêtements. L’ameublement était plus fourni qu’on ne l’aurait attendu dans un tel manse. Paquette occupait une chambre à part, chose rare. Le Grec fit ouvrir son coffre. La femme de Pierre en sortit des vêtements d’hiver de bonnes qualité et façon : chemises de lin, tunique de laine fine, bandeaux de différentes couleurs et ceinture presque luxueuse. Dans un autre coffre, de petite dimension, était disposé un manteau de fourrure, de forme étrange. Tout cela était inattendu, surtout si Paquette, comme l’avait affirmé Wanda, était disgraciée par la nature. Dans le coin réservé à la toilette, Timothée remarqua une demi-douzaine de fioles qu’il fit ouvrir et respira avec précaution. De l’une d’entre elles se dégageait une odeur désagréable, et de deux autres des senteurs entêtantes. Il s’y trouvait également des récipients contenant des plantes séchées, des poudres et des onguents ; des médicaments pour ceux du manse, affirma Pierre.
    L’assistant du missus, pour ne rien négliger, parcourut les resserres, granges, étables et ateliers, échangeant, par l’intermédiaire d’Aubin, avec les uns et les autres, quelques mots qui ne lui apprirent rien : Paquette était bonne, sévère mais juste, aimée ; sa disparition inquiétait et affligeait tout le monde… Timothée estima qu’il avait recueilli tout ce qui pouvait l’être sur le moment. Il prit rapidement congé de Pierre en lui demandant de le tenir au courant de toute péripétie intéressante. Il précisa qu’il se rendait immédiatement à Migné, « avec l’aide d’Aubin qui lui était indispensable ».
    Dans le bourg, il avisa, donnant sur la place du marché, vide ce jour-là, une espèce de taverne, trois tables et quelques bancs près d’un méchant feu. Il y entra, flanqué du garde et du vieil homme. L’aubergiste se précipita pour offrir du vin et des galettes. Timothée amena la conversation sur Paquette, ce à quoi, manifestement, on s’attendait. Le tavernier, flatté d’être interrogé par un personnage important – l’arrivée du missus et de ses assistants était maintenant connue de tous –, ne se fit pas prier pour répondre.
    — Paquette, celle qui a disparu ? fit-il confirmer pour la forme. On la voyait régulièrement, ou presque, au marché. Il se tient là-devant le mercredi et le samedi. Elle vendait de la volaille, des œufs, des fruits et des légumes, et aussi des récipients, écuelles, gobelets en terre cuite…
    — Des poudres, des onguents, des simples ? s’enquit le Grec.
    — Ça non, jamais ! C’était l’affaire d’autres… enfin d’autres femmes comme cette Fabienne qui a été tuée d’une drôle de façon.
    — Avait-elle mauvaise réputation, je parle de Fabienne ?
    L’aubergiste marmonna une courte prière.
    — Plutôt… tu vois ce que je veux dire, seigneur, répondit-il.
    — Je vois. Revenons à Paquette !
    — Eh bien, âpre au gain, roublarde, dure à l’occasion… Et puis quand même un peu drôle…
    — C’est-à-dire ?
    — Une femme de petite taille, pas très âgée en somme, mais avec une tête de vieille, ridée… et ses yeux, je ne sais pas mais je n’aimais pas quand elle me regardait comme ça, fixement… Pourtant, hein, toujours habillée comme pour la messe, chemise, tunique, ceinture, chaussures et tout… comme une riche… ou plutôt comme une riche jeunesse… Cela faisait parler, sûr…
    — Oui, oui, je comprends… Et cette disparition ?
    Le tavernier prit un air gêné.
    — On en a tant dit, depuis l’été, tu penses… Compères et

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