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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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Que toi, Herta, tu aies défendu la mémoire de ton époux et celle de ton cadet, qui pourrait t’en faire grief ? Mais maintenant, ici, sous les yeux de cet abbé qui représente le Tout-Puissant et l’empereur, oseras-tu dire qu’il ne t’a jamais ni menacée ni frappée, toi la mère de ses enfants, te traitant avec la dernière rigueur ? N’a-t-il pas agi de même avec tous ceux qui le servaient, accablant de coups tous et toutes pour un oui, pour un non, pour un rien ?
    Puis il se tourna vers Albert qui venait d’arriver.
    — Et toi, maître, diras-tu pourquoi, depuis quatre longues années, tu as rejoint sans obligation les contingents qui mènent une guerre incertaine, harassante et meurtrière contre les Bretons, alors que, fils aîné, ta place aurait dû être auprès de Godfrid pour diriger le domaine, une place privilégiée ? Diras-tu pourquoi, même l’hiver, quand les hostilités cessaient, tu préférais rester en la marche de Bretagne plutôt que de revenir chez toi ? Pourquoi, sinon parce que tu ne supportais plus les forfaits et méfaits de ton père et de ton frère, parce que tu ne voulais pas que, plus tard, quand tu reprendrais la tête de ce domaine, on puisse t’accuser d’avoir prêté la main à des pratiques criminelles… Comme je t’envie ! Tu as eu, toi, maître, la possibilité et le courage de quitter ces lieux maudits… ce courage qui m’a tant fait défaut…
    Il s’arrêta, épuisé. Un long silence suivit sa déclaration. Herta, soutenue par son fils, semblait près de défaillir. Le Saxon était demeuré impassible.
    — Quel est ton nom ? demanda-t-il tout à coup à l’intendant.
    — Conrad, seigneur.
    — Reprends ta monture ! Apprête-toi à nous suivre !
    Un temps.
    — Beaucoup a été dit… Tout n’a pas été dit… Tant s’en faut… Et puis, pour toi… Mais nous verrons bien !… Toi, Herta, toi, Albert, vous qui dirigez ce domaine – mais confirmation de l’acte qui l’attribuait à votre famille devra être établie par la chancellerie –, vous vous tiendrez à ma disposition pour tout témoignage que j’estimerais nécessaire et que je recueillerais alors au monastère Saint-Pierre, à Longoret… Toi, Albert, à moi !
    Obéissant à ce commandement, ce dernier se porta vers le missus qui lui montra un parchemin.
    — Vous n’obéirez à aucun ordre, présenté comme venant de moi, qui ne serait pas écrit et qui ne porterait pas mon sceau, celui qui figure là-dessus, et que tu reconnaîtras sans peine, précisa Erwin.
    — Il en sera ainsi !
    — Bien !… Doremus, à cheval ! Gardes, vous encadrerez l’intendant. Sauvat, devant tes gardes ! Doremus, à mon côté ! Et vous, mes braves serviteurs, vous fermerez la marche !
    Erwin et son escorte arrivèrent à l’abbaye pour le souper. Conrad, auquel personne n’avait adressé la parole, fut conduit dans un logement monacal assez vaste où une collation lui fut servie. Il remarqua, non sans étonnement, qu’on ne le traitait pas comme un prisonnier et, en particulier, qu’on ne l’avait pas mis sous clef. Il s’attendait que le missus ou l’un de ses assistants vînt l’interroger sur-le-champ, mais il ne vit paraître personne. Angoissé par cette solitude, et après avoir entendu les moines célébrer complies, il se disposa à prendre quelque repos et finit par s’endormir.
    Il fut réveillé en sursaut par le bruit et les cris d’un combat qui se déroulait tout près de lui, dans la pièce même où il se trouvait. A la lueur de torches que tenaient des serviteurs, il aperçut Doremus et un autre homme, très agile en dépit de sa corpulence, qui, dague en main, en affrontaient un troisième, un moine selon toute apparence, armé d’un coutelas qu’il maniait avec dextérité, tenant ses adversaires à distance. A l’évidence, ceux-ci ne cherchaient pas à tuer ce moine mais à le désarmer et à le capturer.
    Peu à peu, Doremus et son compagnon parvinrent à acculer dans un angle l’homme qui avait reçu des blessures au torse et aux bras et qui perdait son sang en abondance. Épuisé, il fut sur le point d’être pris. Alors, après avoir prononcé d’étranges invocations soulignées par des gestes bizarres, le moine retourna son arme contre lui et enfonça le coutelas dans sa poitrine au niveau du cœur. Il tomba comme une masse. Le frère Antoine se pencha sur lui.
    — Mort ! dit-il en se relevant. Nous avons fait pourtant tout ce que nous pouvions.
    —

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