Le spectre de la nouvelle lune
sur ce que tout le monde sait : l’existence d’une bande rebelle qui non seulement perpètre des crimes mais encore organise des bacchanales accompagnées d’actes de sorcellerie, tout cela sous la direction d’un certain Baron, secondé par un mystérieux Flaiel ; je ne reviendrai pas davantage sur ce spectre de la nouvelle lune dont mon maître a pu constater en notre compagnie l’humeur fantasque et qui, d’ailleurs, si j’en crois certaines rumeurs, s’accommode également pour ses apparitions d’autres phases de la lune. Je n’y reviendrai pas… sauf pour constater que tu t’es montré bien discret sur tous ces sujets.
— Puis-je faire remarquer, répliqua le viguier, que j’ai communiqué, sur ce que tu mentionnes, des renseignements au vicomte Farald à Châteauroux et même, directement, au comte Sturbius à Bourges, en les faisant accompagner de précisions et appréciations ? Serait-il possible de croire qu’ils n’en ont rien fait savoir à tes maîtres en y joignant les résultats de leurs propres recherches ?
— Il s’agit de toi et de ce qui s’est passé depuis l’arrivée de notre mission à l’abbaye Saint-Pierre.
Guntran prit alors un air à la fois gêné et narquois.
— Je me serais fait un devoir et un honneur de porter à votre connaissance tout ce que je savais, y compris les informations les plus récentes… si j’en avais eu l’occasion, rétorqua-t-il. Mais le missus dominicus n’a-t-il pas fait en sorte que je ne participe à aucune de vos délibérations ?
— Et tu t’en es tenu là ?
— M’appartenait-il d’agir autrement ?
— L’importance de ce que tu savais aurait dû t’y inciter. Mais venons aux faits, lesquels, comme l’a dit mon maître, ont eu le mérite de remplacer des énigmes par des questions.
L’ancien rebelle réfléchit un instant en caressant son crâne chauve avant de poursuivre :
— Une bande donc… Cela implique des chefs. Nous n’en connaissons que les dénominations, celles qu’ils ont choisies pour masquer leur identité. Ton enquête t’a-t-elle permis d’en apprendre davantage ?
— Peu de choses, sinon qu’il ne doit pas s’agir de personnages demeurant dans la Brenne, car j’aurais pu, quand même, trouver leurs traces à la longue. Sans doute viennent-ils d’ailleurs, d’assez loin peut-être, pour prendre la tête de leur bande à l’occasion de chaque opération importante.
— De Châteauroux, d’Argenton, de Loches, de Bourges même ?
— Pourquoi pas ?
— Ne peut-on penser que cela soit vrai du Baron, tandis que Flaiel assurerait une sorte de commandement… sur place ?
— On peut le penser, car il faut bien quelqu’un pour tenir une troupe en main, mais je n’en ai aucune preuve.
— Cela entraîne d’autres questions. Une troupe, as-tu dit… Cela signifie des affidés constamment sur pied de guerre, mais aussi des recrues occasionnelles, des caches sûres et des lieux de rassemblement, des dépôts pour les armes, des vivres, des subsides, des chevaux. Cela, par tous les saints, ne saurait passer inaperçu !
— Assurément pas ! Mais il en est sans doute du noyau de cette troupe comme de ses chefs : il est douteux qu’il demeure sur place après une incursion. J’ai acquis la conviction que ses membres se dispersent, leur coup fait, pour se regrouper en quelque repaire, et qu’ils en possèdent plus d’un.
— Comment ? Où ?
— Les grottes ne manquent pas en ce pays, surtout dans les vallées, celles de l’Indre et de la Creuse qui enserrent la Brenne. Le marécage est, en fait, une succession de marais et de bois touffus aux sentiers mouvants. Il est aisé de s’y cacher.
— Mais non d’y subsister.
— Difficilement, en tout cas pour une troupe. C’est pourquoi je pense que les bandits ont établi leurs repaires ailleurs.
— N’es-tu jamais parvenu à les surprendre, à les poursuivre ? s’étonna Doremus.
— Encore faudrait-il savoir où, qui, comment ils attaquent. Leur donner la chasse ? Avec les quatre malheureux miliciens qui sont censés me seconder ?
— Admettons ! Mais d’autres gredins me semblent être davantage à ta portée, je veux parler de ceux qui viennent au besoin – détestable besoin s’il en est ! – renforcer la bande, ceux qui lui apportent des approvisionnements, ceux qui la renseignent ! Ceux-là habitent à coup sûr la Brenne, leurs déplacements peuvent être observés et des indications peuvent en être retirées.
— Je
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