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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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conduite de qui ? D’un bâtard de ce Waïfre ! Par le diable, il faudra que tous ceux qui ont voulu rallumer l’incendie le paient cher… très cher !
    Il s’approcha du cadavre en rouge.
    — Voir enfin la face de cette canaille ! lança-t-il en arrachant la capuche qui cachait le visage du mort.
    Tous, dès qu’ils l’aperçurent, semblèrent frappés de stupeur.
    — Oui, énonça Erwin d’une voix forte, sous le masque Amric devenait le Baron, et, sans le masque, Guntran, le viguier Guntran !
    — Nous diras-tu encore que cela n’a rien de surprenant ? lança Childebrand.
    Le Saxon réfléchit un instant avant d’expliquer :
    — Dès notre première rencontre – c’était en ce jour d’équinoxe où, dans la tempête, nous avons failli nous perdre dans le marécage – il m’a intrigué. Certes, il multipliait les piques contre la bande, avec des allusions perfides concernant Rafanel, mais, à mon sens, de manière excessive. Si ce sabotier était aussi suspect qu’il le laissait entendre, pourquoi l’avait-il choisi comme guide pour une expédition périlleuse ? Guntran – il vous en souvient – est venu nous annoncer, tandis que nous nous étions réunis, que Rafanel avait disparu, et cela avec un air provocant et triomphant comme si cette fuite justifiait ses soupçons. Mais, s’il s’en méfiait, pourquoi l’avait-il laissé filer ? D’ailleurs dès que je l’ai vu, que j’ai conversé avec lui, j’ai constaté qu’il avait un langage, un maintien, une allure fière, hautaine même qui dénonçaient quelqu’un d’autre qu’un simple viguier.
    A ce moment entrèrent dans la salle des serviteurs qui déposèrent sur une table un en-cas composé de fouaces frottées d’huile, de fromage, de saucisses et de vin parfumé avec des fleurs de sauge, ainsi que des écuelles et des gobelets, tandis que d’autres domestiques apportaient des tabourets, des aiguières d’eau chaude et des serviettes en lin. Sauvat, Pétronille et ses deux aides les accompagnaient. Le géant roux présenta au Saxon des excuses que celui-ci accueillit avec un sourire : il avait cherché en vain, dans tout le couvent, de l’hydromel.
    La guérisseuse défit le bandage provisoire que Rafanel avait mis en place. Elle nettoya la plaie avec des compresses d’aigremoine, puis y appliqua, en s’excusant, un fer brûlant pour la cautériser, ce que le patient supporta en grinçant des dents ; enfin, elle posa un pansement en déclarant que la blessure était saine et en promettant une prompte cicatrisation. Elle prit soin ensuite de Sauvat qui avait une estafilade à la poitrine, la broigne qu’il portait ayant amorti le coup. Avant de partir, Pétronille, qui avait refusé toute rétribution, laissa à la disposition des blessés du vin de pervenche, souverain contre les accès de fièvre. Childebrand ordonna aux domestiques qui allaient se retirer de transporter les deux cadavres, celui d’Amric-Guntran et celui de Nodon, dans l’ancienne chapelle du prieuré.
    Erwin, qui transpirait à grosses gouttes, s’était assis avec soulagement et invita ses amis à s’attabler aussi. Après la collation qui lui avait permis de reprendre des forces, et s’étant reposé, il put poursuivre :
    — Coups de main ou cérémonies, tout cela exigeait la mise en œuvre de moyens considérables dans toute la Brenne, des déplacements nombreux, des convois. Personne ne pouvait en ignorer quoi que ce fût. Si donc on se taisait dans les bourgs, les villages, les hameaux et les manses, c’était soit par connivence, soit par peur. Je pensai donc que si tout le monde était au courant, ceux qui se trouvaient à la tête de cette région l’étaient nécessairement eux aussi. Ils n’avaient pas fait preuve, pourtant, d’un bien grand zèle pour mettre fin aux scandales, forfaits et crimes. Pourquoi ? Incurie ? Compromissions ? Crainte ? Mais de qui ? Cela me ramenait aux chefs de la bande. Deux possibilités : il pouvait s’agir de personnages ne pénétrant dans le pays que pour y conduire des opérations ou y présider des cérémonies odieuses ; mais ce pouvait être aussi des personnes demeurant ici même ou y séjournant souvent et longtemps. La façon dont ces chefs étaient renseignés, la rapidité de leurs réactions, leur connaissance du terrain et des gens me firent choisir la seconde éventualité. Mais alors qui ?
    Erwin mangea lentement un morceau de fouace et but un demi-gobelet de vin. Puis il se tourna

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