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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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déboulé à l’improviste. Le lendemain, M. Gaétan m’a convoquée. Il m’a fait entrer dans un joli boudoir. Je me suis assise. Il m’a offert des friandises et il m’a dit que j’étais aussi appétissante qu’un gâteau d’amandine décoré d’angélique. Il a rempli deux petits verres d’une liqueur verte et il a insisté pour trinquer avec moi, c’était fort, ça piquait. Il s’est penché et il m’a glissé une enveloppe. Il a dit : « Tu t’achèteras des babioles. » La tête me tournait. Il est devenu pressant, il a murmuré que si j’étais gentille je ne serais pas renvoyée. J’ai entendu les filles quitter l’atelier et le père Michon commencer son inspection des poêles. Je me suis levée pour prendre congé, M. Gaétan me regardait d’un drôle d’air. Il s’est approché et il m’a renversée sur le divan. Je me suis mise à crier, il a plaqué une main sur ma bouche et il m’a prise de force. Depuis, je n’arrête pas de pleurer.
    25 novembre 1889
    Si je révèle à Absalon ce qui s’est passé dans le boudoir de M. Gaétan, qui sait ce qui pourrait se produire ?
    30 novembre
    J’ai un retard de trois semaines.
    15 décembre
    M. Gaétan m’a menacée, j’ai dû le rejoindre chez lui, rue de Courcelles. C’était ça ou la porte. J’ai besoin de travailler, j’y suis allée. Il m’a montré sa collection de poupées. C’est un obsédé, il me dégoûte.
    20 décembre
    Toujours rien. Cela fait presque six semaines. Il faut que je me décide à le dire à Absalon.
    22 décembre
    Absalon ne veut plus entendre parler de moi, il ne veut plus me voir, jamais. Il m’a lancé des horreurs, que j’étais une sotte, une oie blanche, que des filles comme moi ça courait les rues, qu’il n’avait que l’embarras du choix. Je suis anéantie. J’ai pleuré, je l’ai supplié. Il m’a interdit de remettre les pieds rue des Martyrs, d’ailleurs il part en tournée, loin, très loin, au bout du monde.
    10 janvier 1890
    Je ne mange plus, je ne dors plus. Je ne sais même pas qui est le père. Je suis allée attendre Loulou rue d’Aboukir, elle a immédiatement remarqué ma mine de déterrée. Je lui ai tout avoué. Elle m’a consolée : « Huit semaines, ça peut s’arranger. Jure-moi que tu ne répéteras à personne ce que je vais te dire, c’est grave, tu comprends ? Parce que je risquerais d’avoir des ennuis avec la police. » Elle m’a expliqué : « Il y a des femmes qui, pour une raison ou une autre, ne veulent, ne peuvent pas avoir d’enfant, alors elles avortent. Moi, je l’ai fait, l’année dernière. Veux-tu que je t’aide ? » J’ai répondu oui. J’avais une peur affreuse, mais je n’ai pas hésité. Une fois arrivée chez Constance Thomas, il m’a fallu une heure pour me calmer et me décider à m’allonger sur le lit. Mme Thomas m’a placé un mouchoir entre les dents pour que les voisins ne m’entendent pas crier. Loulou me tenait la main. J’ai eu très mal.
    Victor sauta une liasse agrafée pour parvenir au passage suivant :
    Novembre 1891
    Cet horrible procès ! Les journaux ne parlent que de ça. Le parrain de Loulou a fait grande impression, c’est un ancien missionnaire. Il ne s’est pas gêné pour dire ce qu’il pensait.
    Un monsieur américain m’a envoyé des fleurs juste avant les délibérations du jury. Il s’appelle Samuel Mathewson, c’est un planteur d’orangers, il m’a remarquée. Il est prévenant, il pourrait être mon père, mais justement je n’ai jamais connu mon père.
    Nous avons été relaxées. Je garderai toujours la marque de cette flétrissure, j’ai des migraines si fortes que je me taperais la tête contre les murs pour les soulager.
    De nouveau des pages interdites, puis :
    10 janvier
    Samuel veut m’épouser. Je vais partir très loin, en Californie .
    Encore des liasses agrafées, puis une page écrite à l’encre violette.
    San Francisco, à l’hôtel. 20 novembre 1893
    Je prends le train demain, un long voyage à travers les États-Unis. Je me sens revivre. L’argent peut tout, dit-on. On dit vrai, je vais régler mes comptes avec ces trois canailles. Je veux leur pourrir la vie. Ils y passeront un par un : Absalon Thomassin et Richard Gaétan pour moi, le baron Edmond de La Gournay pour Loulou. Enfin, je vais agir ; tout est planifié, Loulou est d’accord. Nous détruirons ce qui leur tient le plus à cœur. Ah, dommage que nous ne puissions voir leur tête

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