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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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qu’moi, j’t’emballerais tous ces jolis cocos qui font endêver ce pauvre Monsieur, dans l’état où il est !
    Ces propos furent débités comme si Joseph n’existait pas. Tout en ronchonnant, Octavie le guidait à travers une vaste pièce aux murs lézardés et au mobilier défraîchi ayant vue sur une cour peuplée de statues rongées de lichen. Ils abordèrent un escalier monumental de marbre dont chaque marche était fendillée. Les notes étouffées d’un lointain piano scandèrent leur ascension.
    Ils s’engagèrent dans une enfilade de chambres exiguës encombrées de cheminées d’angle, de bustes de plâtre, de fauteuils et de tapisseries où la poussière de plusieurs générations s’était déposée en une couche épaisse. Quelques portraits de famille surplombaient parfois un bureau Louis XVI ou une pendule de bronze sur lesquels ils veillaient jalousement.
    Enfin, ils s’immobilisèrent dans un vestibule encore plus vétuste que le reste du décor, et Octavie expliqua d’un ton rogue :
    — L’hurluberlu est à son chevet. Il va finir par décamper, vous prendrez sa place, mais vous éternisez pas, les docteurs ont interdit qu’on le fatigue !
    Les savates s’éloignèrent en raclant le parquet. Livré à lui-même, Joseph expira profondément avant de prospecter son environnement investi de chaises branlantes et de tapis persans usés jusqu’à la trame. Outre la porte par laquelle il était arrivé et celle de la chambre du baron, une troisième issue aimanta sa curiosité. Il se faufila dans un corridor aboutissant à un escalier en colimaçon. Ces lieux lui évoquaient la maison tarabiscotée de Fortunat de Vigneules. Joseph s’apprêtait à explorer le couloir, quand un éclat de voix l’attira près d’une porte qu’il entrebâilla prudemment.
    — … ai besoin, c’est un tel soulagement ! implora une voix haut perchée.
    — … folie… retomber dans tes cauchemars détruire ton âme et tes boyaux… mieux de suivre le conseil de Lorrain… solfanol et bromure… te guérir, repartit une voix de basse.
    — Une lampée d’éther, par pitié, je souffre ! claironna la première voix.
    La basse résonna.
    — … grave… du sang… mes poupées, elles sont fichues !… important de vérifier si ta… partout du sang…
    Repoussant le battant, Joseph vit un individu en habit penché sur un lit d’où émergeait une forme humaine au crâne bandé : le baron.
    — Une goulée, juste une… La bouteille est dans le secrétaire, supplia le baron.
    L’hurluberlu se redressa, Joseph referma doucement la porte. Lorsqu’il osa l’entrouvrir au bout de quelques minutes, une odeur phéniquée le prit à la gorge.
    — La clé à la licorne, où l’as-tu cachée ? grondait l’hurluberlu.
    Il se courba davantage.
    — La clé de ton cabinet privé… la veux absolument… Edmond… la clé… un geste suffira…
    — Je t’en prie…
    — Réponds, je dois savoir si ta collection aussi a été maculée de sang ! Vas-tu répondre, nom de…
    — Vous allez me l’achever ! éructa une voix de rogomme dans le dos de Joseph, dont la peur fut si violente qu’il bondit vers le corridor.
    Il pivota peu à peu et contempla la plus énorme garde-malade qu’il eût jamais affrontée. A peine s’il lui atteignait l’épaule.
    — Elle a eu rudement raison de m’alerter, la bonne. Eh, là-dedans, du balai, et que ça saute ! meugla-t-elle en fonçant vers le lit. Avec ce projectile qui lui a défoncé la nuque, le repos est primordial ! Déjà ce flic qui l’a cuisiné sans permission… Ouste !
    Joseph s’embusqua derrière la troisième porte et aperçut l’hurluberlu, un homme fort irrité au visage glabre et carré fendu d’une bouche en tirelire. Sa main droite aux doigts velus tordait rageusement un gant de suède. Une discussion virulente précipita son départ, après quoi la poigne de la garde-malade extirpa Joseph de sa retraite et lui indiqua fermement le même chemin
    — Vous aussi, mon gaillard, déguerpissez.
    Joseph jaugea la figure hommasse et obtempéra sans objecter.
    Au bas de l’escalier monumental, Octavie, poings aux hanches, savourait son triomphe.
     
    Bercé par le cahotement du fiacre, préféré à la bicyclette à cause du verglas, Victor s’efforçait de résister au sommeil Il n’avait pas échangé trois mots avec Joseph, prêt à un long compte rendu de ses va-et-vient matinaux, mais malheureusement contraint de

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