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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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Quillebeuf où il était allé voir le mascaret avec Adalberte ! susurra Mathilde de Flavignol.
    — S’est-il noyé ? s’enquit Raphaëlle de Gouveline.
    — Non, il a bu la tasse, il en sera quitte pour un gros rhume.
    Considérablement troublée, Helga Becker observait Lautrec.
    — J’ai délicatement arraché sa publicité du Moulin-Rouge d’une colonne Morris. Croyez-vous qu’il acceptera de me la dédicacer ? Je collectionne toutes les affiches que j’ai le bonheur de récupérer, j’en ai déjà une soixantaine, souffla-t-elle à Mathilde de Flavignol, qui n’avait d’yeux que pour Victor dont le sourire désarmant éveillait en elle un étrange émoi.
    Celui-ci s’amusait à se poster près des gens pour saisir leurs commentaires. Il s’était arrêté non loin d’une toile représentant des femmes, attablées à la terrasse d’une guinguette.
    — Mon Dieu, quelle vulgarité ! Et ces couleurs… Atroce !
    Il avisa la comtesse de Salignac et son neveu, Boni de Pont-Joubert. Il savait que pour eux tout dans ce tableau était trivialité et les scandalisait. Ils n’y décelaient pas la puissance cachée, pas plus qu’ils ne percevaient que c’était sa vulgarité même qui lui insufflait sa puissance.
    — Oh ! Encore cet individu. Le toupet ! Se pavaner en public, un homme divorcé !
    — De qui parlez-vous ? chuchota Helga Becker.
    — Anatole France, le romancier. L’année dernière, il s’est séparé de sa femme, probablement excédée de sa liaison avec Léontine de Caillavet. Le tribunal lui a donné tous les torts ! Depuis, il habite Villa Saïd, rue Pergolèse, mais seulement le matin. L’après-midi, il écrit avenue Hoche chez sa maîtresse, qui lui a aménagé un bureau au deuxième étage de sa demeure, et le reçoit ensuite à dîner.
    — Et le mari ?
    — M. Albert Arman de Caillavet ? Il partage leur souper ! C’est un Gascon philosophe, qui s’accorde suffisamment avec son rival pour qu’on l’ait surnommé « l’administrateur du collage de France » !
    Révolté par le dialogue qu’il avait surpris, et grand admirateur de l’auteur de La Rôtisserie de la reine Pédauque 46 , Victor s’indigna :
    — Il y a beau temps que les Caillavet auraient eux aussi divorcé, s’ils ne redoutaient de nuire à la carrière de leur fils, Gaston.
    Profitant de ce qu’il partait à la rencontre de Kenji et Djina, Olympe de Salignac se fâcha :
    — Rien d’étonnant à ce qu’il s’érige en avocat du diable, vu l’existence qu’il mène ! En outre, son associé japonais a installé chez lui une baignoire, c’est dégoûtant !
    — Pourtant, cela sert à se laver, objecta Raphaëlle de Gouveline.
    — À condition de s’être au préalable totalement déshabillé, rétorqua la comtesse.
    Anatole France approcha son visage asymétrique, qu’éclairaient des yeux malicieux, du tableau d’un équilibriste perché sur son fil au-dessus d’une rue animée. Il frisotta sa moustache grise.
    — C’est très finement observé, l’avez-vous croqué sur le motif ?
    — Uniquement le décor. J’ai brossé le sujet principal en étudiant cette photographie, lui confia Tasha.
    — Superbe. J’achète les deux, annonça l’écrivain, qui alla saluer Thadée Natanson.
    Rose de plaisir, Tasha s’empressa d’avertir Victor, satisfait d’avoir entendu Lautrec déclarer à Vuillard qu’il avait été contraint en janvier d’émigrer de la rue Fontaine à la rue Caulaincourt.
    « Excellente nouvelle ! Tu débarqueras moins souvent chez Tasha », pensa-t-il.
    — Où a filé mon fils ? s’exclama Euphrosine.
    — Chez un client, il m’a chargé de vous prévenir de rentrer avec Mme Ballu.
    — Il aurait pu me dire au revoir ! grommela sa mère.
    — Et à moi bonjour, remarqua Tasha.
    Plongé dans la contemplation d’un lever de soleil sur l’île Saint-Louis, Victor approuvait l’initiative de son beau-frère qu’il eût volontiers secondé, lorsque Maurice Laumier lui tapa sur l’épaule.
    — Brillante idée, Legris, d’avoir disposé les documents originaux auprès des tableaux, ils attestent le processus au moyen duquel l’artiste s’approprie le réel.
    — Je suis aux anges de fournir un marchepied à Tasha, répliqua sèchement Victor.
    — Allons, Legris, je ne dénigre pas vos travaux, d’autant que vous êtes en progrès.
    — Ravi de vous combler.
    — Et votre enquê…
    L’irruption de Tasha lui coupa

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