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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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ont consacré leurs colonnes. Certaines accusations remontaient à 1885 ou 86. La plupart des femmes dans l’embarras qui avaient eu recours à la femme Thomas étaient domestiques, couturières, épouses d’artisans et d’employés à mille cinq cents francs par an. C’est à Clichy, chez une marchande de vin dont elle était la locataire, que la femme Thomas avait ouvert son officine. Elle partageait son existence avec un homme de quinze ans son cadet, Abélard-Sevrin Floury. Il lui servait d’homme de main, c’est lui qui se chargeait d’escamoter le « produit » des opérations. Je vous épargne le déroulement des audiences qui ont duré quinze jours, et j’en viens au verdict. Il s’est soldé par la condamnation de la femme Thomas Elle s’est vu infliger douze ans de travaux forcés. Floury a écopé de dix ans. Les quarante-cinq autres prévenues ont bénéficié de l’indulgence du jury. Parmi elles, j’ai relevé les noms de Louise Fontane, Mireille Lestocart et de trois Sophie, salariées chez le même patron : Sophie Dutilleul, Sophie Guillet et… Sophie Clairsange, couturière.
    — Sacrée Mimi, elle s’est bien gardée de m’en parler.
    — Le baron et Gaétan sont-ils les suborneurs ? Leur assassinat pourrait-il être le point d’orgue d’une vengeance de filles séduites ?
    — L’un d’eux aurait-il trucidé Louise Fontane ?
    — Peut-être a-t-elle voulu exercer un chantage sur son séducteur ?
    — Deux ans et demi après ? Et cette mystérieuse Sophie Clairsange ? Et ce bancal ? Décidément, il faut que je cuisine Mlle Lestocart.
    — Et moi, qu’est-ce que je fais ?
    — Dès que vous aurez fermé la librairie, filez à l’Hôtel de l’Arrivée pour vous assurer de la présence de Sophie Clairsange.
     
    Le chasseur de l’ Hôtel de l’Arrivée  – deux mètres de haut, un de large – lança un « Bonjour, monsieur » au-dessus du melon de Joseph sur le ton monocorde d’un mainate dressé à ressasser son refrain à chaque tourniquet de la porte à tambour.
    Joseph pila devant la réception.
    — Je suis attendu par Mlle Clairsange.
    — Elle est absente, monsieur. La femme de chambre a noté que son lit n’était pas défait.
    — Elle est partie ?
    Le portier tordit ses lèvres en un sourire de commisération.
    — Ses effets sont toujours là, elle a payé son séjour jusqu’à la semaine prochaine.
    — Alors elle va revenir ?
    — Je ne sais, monsieur. Les clients sont libres de leurs faits et gestes.
    Il changea sa posture de garde-à-vous en repos. Joseph se gratta la nuque, désarçonné.
    « Je me suis encore fait damer le pion ! »
    Soudain il lui vint une idée. Il demanda une enveloppe, écrivit : À l’attention de Mme S. Clairsange, puis il rattrapa la rue de Strasbourg, bifurqua boulevard de Magenta et observa les alentours. Il eut tôt fait de repérer un godelureau d’une quinzaine d’années, vautré sur un banc, le mégot au bec, la lippe narquoise, qui regardait les filles. Joseph s’assit à ses côtés et engagea la conversation. Le petit roublard acquiesça, empocha une pièce et l’enveloppe et se rendit nonchalamment rue des Vinaigriers, suivi à peu de distance par Joseph.
    Mme Guérin était en vigie dans sa confiserie. Joseph vit le godelureau lui tendre la lettre et s’éclipser. Mme Guérin décacheta l’enveloppe qui ne lui était pourtant pas adressée et y chercha vainement une missive. Elle gagna vivement la porte, colla son visage à la vitre, puis elle coupa le gaz, sortit et fixa les contrevents. D’un pas rapide, elle rejoignit le pavillon à l’angle de la rue Albouy. L’entrée s’éclaira. Au bout d’un moment, la lumière du premier s’éteignit. Joseph vit deux silhouettes se profiler derrière les jalousies d’une des fenêtres du rez-de-chaussée.
    Comme à l’ordinaire, quittant le Bibulus où il lambinait chaque jour pour rencontrer ses confrères, Maurice Laumier poussa la porte de la maison de la rue Girardon. Il fut surpris de ne pas voir de lumière dans la cuisine, inspecta la chambre à coucher, puis l’atelier : personne. Mimi était sûrement allée se promener. Il alluma le feu et retoucha le portrait de l’écrivain Georges Ohnet qu’il devait livrer début mars.
    Une demi-heure, une heure s’écoulèrent. Il commença à s’alarmer et passa en revue toutes les raisons qui auraient pu retarder Mimi Il n’en trouva aucune. Il était sept heures un quart

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