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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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d’arriver.
    — En pleine nuit ?
    — À la vérité, annonça le conseiller, il ne portait pas le message pour nous, mais il s’est fait contrôler par une de nos patrouilles à l’extérieur du palais et…
    Le conseiller était un héritage. Alors que tout Jérusalem s’attendait à son renvoi, le Légat l’avait conservé à ses côtés. Le dominicain en avait conçu, pour son nouveau maître, une dévotion sans pareille.
    — Et alors ?
    — Il a tenté de fuir. Nous l’avons capturé.
    Le prélat sortit de son lit. Le dominicain lui tendit aussitôt une chemise. Au contact du Légat, sa servilité naturelle s’était exacerbée.
    — Et pour qui était le message ?
    — Pour le Grand Maître du Temple.
    Le Légat ne marqua aucune réaction. Il s’approcha de la fenêtre et fit jouer les volets intérieurs. Jérusalem dormait encore. Seules quelques lumières filtraient dans la nuit. À l’est, une masse plus sombre était couronnée de torches et brillait comme un diadème : le palais du roi Frédéric. Le roi absent. Son regard se porta sur sa droite, vers l’ancien temple de Salomon. Les bannières à croix rouge sur fond blanc se dressaient au-dessus des murailles.
    — Les Templiers… reprit le Légat avec une pointe aussitôt effacée d’ironie.
    — Oui, Monseigneur, ce ne sont que…
    Le conseiller n’acheva pas. À la vérité, il n’avait que mépris pour ces moines-soldats, puants et incultes. À Jérusalem, on se moquait volontiers de ces cadets de famille, ces nobliaux sans terre, qui s’engageaient dans l’Ordre pour devenir des mercenaires de la foi. L’Église, plus que d’épées, avait besoin de prières.
    Pourtant, en quelques décennies, ces Chevaliers du Temple étaient devenus incontournables en Terre sainte. Les rois passaient, les papes changeaient, les Templiers, eux, demeuraient.
    Le Légat contemplait les bannières du Temple, claquant au vent venu du nord. Depuis plusieurs semaines, des rapports tous identiques s’accumulaient. Un peu partout en Terre sainte, les Templiers offraient asile et protection à des infidèles. Contre tribut, bien sûr. En monnayant ainsi leurs services, ils s’enrichissaient insolemment. Leurs caves se remplissaient d’or. De l’or qui aurait dû revenir à l’Église.
    — Vous avez interrogé le prisonnier ? demanda le Légat.
    La voix acide du conseiller se fit mielleuse. Plus que tout, il aimait plaire à son chef.
    — Seulement commencé, Monseigneur, nous savons que vous aimez finir les interrogatoires vous-même.
    — Ma tunique, mes chausses. Où est-il détenu ?
    Le dominicain se troubla. Dans l’ombre, il fit un signe de croix.
    — Dans le Puits, Monseigneur.
     
    Sur le parvis, les gardes se figèrent. Le Légat traversait la cour, une capuche jetée sur son front. À la différence des autres dignitaires de l’Église qui ne sortaient jamais de leur palais, le prélat, lui, ne cessait d’arpenter la ville. Il s’invitait dans les monastères, visitait toutes les églises, se rendait dans chaque hôpital, on le voyait même sur les marchés, parlant volontiers avec le peuple. Des yeux d’ange qui contrastaient avec son visage tout en angles, il surgissait à l’improviste, provoquant stupeur et fascination. Le peuple l’avait surnommé le Renard. On le disait rapide dans ses jugements, invariable dans ses décisions, secret en tout. Comme l’horizon de la mer, son caractère était imprévisible.
    Pressé d’arriver, le Légat avançait à grandes enjambées. Le souffle court, le religieux peinait à le suivre. Le Légat s’arrêta à la porte de la tour.
    — Racontez-moi l’histoire du Puits.
    Le conseiller reprit son souffle avant de répondre :
    — Monseigneur, tout a commencé à l’époque de Salomon.
    Le Légat ne réagit pas, il observait la lune qui s’effaçait au-dessus des toitures.
    — Le roi avait décidé de construire un temple qui serait la demeure de Dieu sur Terre.
    Le religieux était versé dans les Écritures. Il aimait à montrer sa connaissance du Livre sacré.
    — Pour mener à bien son entreprise, il choisit un terrain qui appartenait à Aravnah le Yebousy, un champ de blé, schibboleth , dans lequel les ouvriers creusèrent de profondes fondations.
    Sous sa capuche, le Légat jeta un coup d’œil circulaire. Sous ces dalles, des siècles plus tôt, le blé s’élevait, caressé par une brise qui venait du sud.
    — Comme ils atteignaient l’angle

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