Le Temple Noir
fenêtres et ses corniches. Antoine se leva de son banc, faisant s’envoler le groupe de corbeaux. La pelouse était baignée de soleil, il aurait bien proposé à Gabrielle de venir le rejoindre mais ce n’était vraiment pas le moment. Le trio arriva à sa hauteur.
Antoine reconnut tout de suite le directeur général de la police et à ses côtés un homme avec des lunettes, le visage souriant. Antoine marqua un temps d’arrêt, stupéfait. L’homme aux yeux perçants se rapprocha de Marcas et lui tendit la main. Sa poigne était plus ferme qu’il ne l’aurait cru. Il avait presque la main broyée.
— Vous avez effectué un travail remarquable, l’année dernière, commissaire. La découverte du fabuleux trésor des Templiers, rien que ça. Mon prédécesseur m’en a beaucoup parlé.
La voix était mélodieuse, presque rassurante. Il ne lâchait pas la main de Marcas et le scannait d’un regard étonnamment fixe. Antoine soutint son regard et articula poliment :
— Je n’ai fait que mon devoir, Monsieur le Président. Maintenant je comprends mieux cette allusion aux morts…
L’homme desserra son étreinte. Son visage s’éclaircit, il avait plus de rides qu’à la télévision, remarqua Marcas. De son côté, le DGPN les observait, le visage fermé.
— L’Élysée, comme les champs Élysées, le royaume des Enfers, ou des Morts, dans l’Antiquité. J’habite ce palais, mais fort heureusement je préside à la destinée des vivants, du moins de ce pays. Mais laissons les morts en paix et parlons un peu. J’ai très peu de temps, je viens d’interrompre une réunion d’urgence sur le Proche-Orient , rien que pour vous, commissaire.
Son interlocuteur sourit, d’un éclat un peu trop enjoué pour Marcas qui se méfiait des flatteries en règle générale, et des hommes politiques en particulier. Ses rares incursions place Beauvau, sous des gouvernements de droite comme de gauche, lui avaient ôté une bonne partie de ses illusions sur la sincérité politique.
Le président se tourna vers le troisième membre du trio, un petit homme aux cheveux grisonnants.
— Outre le DGPN que vous connaissez naturellement, je vous présente Basile Charpentier, haut fonctionnaire à Bercy détaché auprès de mon cabinet.
Marcas inclina la tête. Le président le prit par le bras et s’avança sur la pelouse.
— Je voulais vous remercier personnellement et vous tenir au courant de la suite des événements. Mon prédécesseur a conclu un accord avec le Vatican pour un partage équitable des richesses découvertes sous la voûte du Sacré-Cœur. La basilique est bâtie sur un terrain français et l’ordre des Templiers relevait de la papauté, il est donc naturel, en droit, que ce trésor soit harmonieusement réparti entre nos deux États. Nos amis du Vatican ont été rudes en affaires.
— D’où la fermeture de la basilique pour travaux.
— Tout à fait. Il a été prétexté une nécessité urgente de rénovation de la voûte pour récupérer les pierres précieuses et l’or. Pour ma part, je considère cette découverte comme un don du ciel, cette manne va renflouer les caisses de l’État. Les travaux sont conduits par des experts et des ouvriers du Vatican pour des raisons de discrétion mais l’architecte des Bâtiments de France veille au grain.
Antoine ne put s’empêcher de grimacer.
— Le roi Philippe le Bel doit être aux anges dans son tombeau de la basilique Saint-Denis, c’est exactement pour ça qu’il avait anéanti le Temple : renflouer les caisses de l’État. Je serais curieux de savoir comment vous allez convertir ce trésor historique en monnaie sonnante et trébuchante ? Après tout, il fait partie du patrimoine national. Vous n’allez pas écouler les diamants comme de vulgaires receleurs ?
Le frère obèse haussa un sourcil en guise de désapprobation mais le président sourit.
— Eh bien, j’ai eu une idée, ma foi, pour le moins brillante. Dès que le trésor sera enlevé et retiré de la mosaïque, il faudra compter encore un mois environ, je rendrai publique sa découverte. L’impact sera énorme auprès de l’opinion ; nous organiserons une grande exposition permanente au Louvre, conjointement avec le Vatican.
— Avec tout le respect que je vous dois, ça ne répond pas à ma question, répondit Marcas sur un ton désabusé.
Le conseiller de Bercy intervint.
— Nous allons émettre auprès des marchés des obligations
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