Le Temple Noir
s’en tapait, il n’y avait personne dehors à part lui, et le conducteur dans la citerne était trop occupé à brancher le tuyau sur le flanc de l’appareil. Il vit ses passagers s’engouffrer dans l’hélico qu’il identifia comme un modèle de chez Bell. Les pales commencèrent à tournoyer lentement, il aperçut leurs visages dans le cockpit éclairé par une lumière orangée. Le gros insecte s’éleva doucement ; il crut voir la femme lui faire un petit signe de la main mais il n’en était pas certain. Le vrombissement des pales augmenta, l’hélico grimpa lentement vers le ciel noir. Delgado jeta sa cigarette sur le bitume et se dirigea en pressant le pas vers le bâtiment des douanes. Il était dans les temps, dans moins d’une heure il serait au chaud à Dublin.
Le Bell Long Ranger survolait d’immenses étendues de landes sombres. On pouvait distinguer les minuscules lumières des rares maisons éparpillées çà et là. Dans la cabine, l’homme au crâne rasé ouvrit une canette de bière.
— Où allons-nous ?
— Whitehaven, petite ville côtière sans intérêt. Plus précisément au complexe scientifique de Westlakes.
Le haut-parleur relié au cockpit grésilla.
— Atterrissage dans deux minutes.
Au-dessous d’eux, les landes avaient subitement disparu pour laisser place à des zones industrielles fortement éclairées. Ils passèrent au-dessus de grands entrepôts rectangulaires séparés par d’immenses parkings remplis de camions qui allaient et venaient dans tous les sens. Un gigantesque saumon en béton rose, du plus bel effet, surmontait le toit d’un hangar, pour indiquer à ceux qui n’avaient pas encore compris qu’ici on travaillait le poisson. Le Bell vira sur la droite et ralentit son vol. Une masse imposante surgit juste derrière une bretelle de voie express. Il s’agissait d’un pentagone parfait, entouré d’une double rangée de béton et de barbelés électrifiés qui couraient sur un périmètre de deux terrains de football. Juste à côté de cet endroit, on voyait un complexe de petits bâtiments en verre jouxtant une vaste pelouse illuminée. Une étroite route bitumée partait des immeubles, coupait à travers la pelouse et s’arrêtait au centre : un rond parfait délimité par des feux clignotants bleus.
L’hélicoptère s’arrêta au-dessus de la piste puis descendit en douceur. Vu de l’appareil, le cercle grossissait à vue d’œil. La passagère eut un flash : ça lui rappelait 2001, l’Odyssée de l’espace quand la navette de liaison avec l’astroport atterrissait sur la Lune, au rythme du Beau Danube bleu de Strauss. Elle regretta l’absence de mélomanes chez les pilotes d’hélico.
Le Bell se posa doucement sur la pelouse. Les pales n’avaient pas encore fini de tourner qu’un van gris arrivait sur la petite piste. Deux minutes plus tard, le pilote fit un signe de tête aux passagers ; ceux-ci descendirent pour s’engouffrer dans le Toyota aux vitres fumées par l’arrière. Le chauffeur les regarda s’installer dans le rétroviseur, nota qu’ils n’avaient qu’un seul grand sac posé à leurs pieds pour tout bagage, puis démarra en douceur. Le van contourna les édifices de verre et fila vers le bâtiment de béton pour s’arrêter devant une barrière de sécurité, une herse en acier trempé haute de deux mètres et gardée par deux hommes en armes dans une guérite. Le chauffeur abaissa la vitre. L’un des gardes décrocha son téléphone pendant que l’autre passait un détecteur sous le véhicule. La herse aux piques acérées s’enfonça dans le sol, laissant passer le Toyota et ses occupants. Au lieu de rouler vers l’entrée principale, le van longea un des côtés de l’édifice, puis s’arrêta devant une porte métallique. Au-dessus, de grandes lettres noires étaient gravées sur le béton.
DALTON NUCLEAR INSTITUTE
La grande porte s’ouvrit, le van s’y engouffra pour stopper vingt mètres plus loin, à l’intérieur du pentagone devant deux cerbères en combinaison bleue.
À l’intérieur du véhicule, l’homme au crâne rasé se massa la mâchoire.
— On va avoir droit à combien de contrôles ? Où sommes-nous ?
— Dans un centre de recherche nucléaire, répondit la femme.
Ils sortirent du Toyota et se présentèrent devant les deux gardes. L’un d’entre eux tenait une tablette iPad sur laquelle il pianotait. Les photos des deux visiteurs s’affichèrent sur son
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