Le Temple Noir
l’ingénieur. Vite !
L’aristocrate se ressaisit et s’approcha, à reculons, du pupitre de commande. Derrière la vitre, un volet en béton descendait rapidement vers le sol, obstruant la vue sur les générateurs de rayonnement. Sur l’écran de contrôle, les indicateurs s’affolaient de plus belle, les barres rouges grimpaient sans s’arrêter et des séries de chiffres défilaient à toute allure. Le docteur Mantinéa s’épongea le front avec un pan de sa blouse et se tourna vers Fainsworth.
— J’ai coupé l’alerte localisée, ça évitera de rameuter la sécurité. Le rideau de protection est censé nous protéger de n’importe quel rayonnement radioactif, du moins jusqu’à un certain seuil. Bon sang, je n’ai jamais rien vu de tel, votre squelette balance des flux insensés de particules élémentaires. C’est comme un big bang en temps réel. Si ça continue, tous les réacteurs du centre vont entrer en ébullition.
— Comment allez-vous stopper… ça ? lança Fainsworth d’un air inquiet.
Il n’avait absolument pas prévu la tournure des événements, les os du saint n’étaient qu’une étape, une clé. Mais là… il était dépassé. Le docteur Mantinéa tapait fébrilement sur son clavier.
— L’émetteur de protons est désactivé et pourtant ça ne suffit pas, c’est comme une réaction en chaîne, les os sont devenus une source d’énergie indépendante. J’ai reprogrammé les capteurs de protons pour leur faire absorber le torrent de particules, mais ça ne marche pas. Si dans deux minutes, les flux ne s’arrêtent pas, l’alarme générale du complexe va se déclencher. Il ne reste qu’une option.
— Laquelle ?
— Un robot à pilotage automatique est installé à côté des installations à rayonnement. Une sécurité pour pallier l’impossibilité d’intervention humaine en cas d’irradiation. Je vais l’actionner pour qu’il détruise les ossements, ça stoppera le processus.
— Non ! fit Fainsworth d’un ton menaçant.
— Vous ne m’avez pas entendu ! Ce truc va faire exploser le centre et nous avec.
L’aristocrate crispa les poings. Il ne pouvait pas se permettre la destruction du squelette, tous ses espoirs s’envoleraient et le Temple Noir n’aurait existé pour rien. La source de la puissance disparaîtrait à jamais. Il contrôla sa respiration pour calmer son excitation.
Trois choix s’offraient à lui. La mort, la destruction du squelette, la baisse des radiations. La dernière solution étant la moins réaliste, il en convenait.
La prudence contre l’instinct. L’instinct de la conquête. Comme dans les premières années de conquête des marchés financiers quand il avait eu le courage de miser des sommes folles, à rebours de ce que lui conseillaient ses experts. Le courage, voilà la clé.
Soudain, la porte du laboratoire s’ouvrit avec fracas pour laisser passer la Louve et son adjoint.
— Qu’est-ce qui se passe ? cria-t-elle, on a entendu une alerte et ça s’est coupé.
— L’expérience s’est emballée, répondit prudemment Fainsworth.
Le docteur Mantinéa hurlait :
— Vous déconnez ! Ça tourne à la catastrophe. Jamais je n’aurais dû vous écouter. Il y en a pour une fortune en équipement dans ce labo.
Fainsworth s’approcha plus près.
— Attendez encore, combien de temps avons-nous avant que votre robot n’entre en action ?
— Trente secondes, pas plus.
— Alors attendez.
— Pas question ! Je ne veux prendre aucun risque.
Fainsworth fit un signe à la Louve. Celle-ci comprit. Elle s’approcha en silence de l’ingénieur, posa ses mains sur ses épaules et murmura à son oreille :
— Il existe douze façons de tuer instantanément un homme en manipulant son cou. J’en connais trois, c’est plus que suffisant, vous ne croyez pas ?
— Vous êtes fous, nous allons tous mourir, répliqua l’ingénieur, tétanisé.
— Je vous demande juste d’attendre une poignée de secondes avant d’envoyer le robot, répondit Fainsworth.
— Ce sera trop tard !
La tueuse accentua sa pression sur un nerf qui parcourait le cou de l’ingénieur. Celui-ci hurla.
Sur l’horloge de l’écran de contrôle, les chiffres s’écoulaient tandis que les barres rouges continuaient de grimper. Fainsworth ferma les yeux. C’était l’épreuve ultime, soit quelque chose existait dans l’univers et donnait sens à toute son action, à son destin, soit il périrait dans
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