Le templier déchu
éprouvait des remords. Il la dupait, il lui mentait, et il avait horreur de cela.
Pourquoi ces scrupules avaient-ils soudain fait leur apparition chez lui – lui qui, contrairement à ses camarades Templiers, avait toujours été dépourvu de sens de l’honneur ? Par quel miracle ces principes avaient-ils pris le dessus ? Il n’en avait aucune idée. Il savait juste que sa conscience le harcelait.
La voix lui serinait qu’il avait déjà suffisamment mal agi en se faisant passer pour le mari d’Elizabeth. Mais quant à avoir des relations charnelles avec elle... c’était abject, et cela constituait sans doute la pire trahison qu’il puisse lui infliger. Cela s’assimilait à une sorte de viol, quand bien même, au fil des jours, il en était venu à éprouver pour elle des sentiments profonds.
Il n’était qu’un imposteur. Un ancien Templier à la réputation douteuse, doublé d’un voleur, qui avait été sur le point de finir sa misérable existence au bout d’une corde. Il n’était pas le respecté Robert Kincaid, quatrième comte de Marston, valeureux guerrier qui s’était distingué dans de nombreuses batailles pour libérer son pays, et époux légitime d’Elizabeth de Selkirk.
Telle était la triste vérité, et Alexandre avait beau faire, il ne pouvait y échapper.
Il ne supportait plus cette situation et était de plus en plus tenté de tout révéler à Elizabeth. Et advienne que pourra ! Mais deux choses l’en avaient empêché jusqu’à présent : d’abord, la conviction que Jean ne méritait de mourir par sa faute, et... sa propre lâcheté.
Il ne pouvait nier que son instinct de survie se rebellait à l’idée d’avouer son forfait et de se livrer par la même occasion à la vindicte des habitants de Dunleavy qu’il avait si honteusement trahis. C’était la solution la plus noble, mais s’il la choisissait, ce serait à son propre détriment.
Une fois dans sa vie, une seule, il avait accepté de se sacrifier pour quelqu’un d’autre. Ce jour-là, il avait refusé de tuer son ami Richard de Cantor lors du « jugement de Dieu » auquel les inquisiteurs français l’avaient contraint à participer.
La punition qui s’était ensuivie en guise de représailles était de celles dont il ne préférait pas se souvenir.
Et c’était ce conflit de points de vue qui était à la base du combat qui faisait rage en lui.
Il ne faisait qu’empirer à chaque minute passée auprès d’Elizabeth. Plus le temps filait, plus enflait en lui le désir fou de vivre avec elle quelque chose qu’il avait conscience de ne pas mériter et qui resterait toujours inaccessible.
Alors qu’il tentait de se raisonner, de se persuader qu’il devait bon gré mal gré s’accommoder de ce double jeu qu’on l’obligeait à jouer, il se surprit à contempler Elizabeth qui dansait le rondeau avec une douzaine d’autres convives, au centre de la grande salle. Elle attirait son regard presque contre sa volonté.
Tout à sa joie de danser, elle apparaissait radieuse, les joues empourprées, sa jolie bouche incurvée en un sourire heureux. La guimpe qui retenait sagement ses cheveux ne les empêchait pas d’onduler dans son dos, tel un écheveau de soie, au rythme de ses pas
Il n’aurait pas dû céder à la fascination qu’elle exerçait sur lui. Il n’avait même pas le droit de la regarder de cette façon. Et puis, cela ne faisait qu’affaiblir ses bonnes résolutions. Mais rien à faire, ses yeux revenaient inexorablement se poser sur elle. Il était attiré par elle comme la phalène par la flamme.
Deux heures s’étaient écoulées depuis leur bref interlude érotique dans le couloir. Deux heures de supplice pour Alexandre que le désir taraudait depuis sans relâche. Chaque regard qu’ils échangeaient, chaque frôlement de main, chaque respiration semblait intensifier sa passion. Il se sentait lentement, mais sûrement, perdre la raison.
Le pire était peut-être de savoir qu’elle le désirait avec la même ardeur.
Chaque fois qu’il l’avait touchée de manière anodine, chaque fois qu’il lui avait donné un chaste baiser sur la tempe ou au coin de la bouche, il avait vu une lueur flamboyer dans ses prunelles grises.
Lorsqu’ils avaient dansé ensemble, son tourment avait empiré, car les occasions de la toucher plus hardiment – frôlements de cuisses, caresses de la paume, brèves étreintes – avaient été suffisamment nombreuses pour faire naître dans
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