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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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marchandises. Il valorise par la publicité les objets mis sur le marché, la vente assurant la promotion d’œuvres jusque-là inconnues. Sa première vente publique avec catalogue était consacrée aux estampes, la seconde aux coquilles. Jusqu’à présent, elles ont eu lieu dans sa boutiqueet les autres au domicile des défunts dont les héritiers voulaient vendre les biens. La vente après le décès de l’abbéHaranger en 1735 a réservé bien des surprises. Petit-fils d’un épicier, ce tranquille chanoine de Saint-Germain-l’Auxerrois, traité de « ramasseur de guenilles » par le comte deCaylus, avait été l’ami deWatteau et deRigaud, qui tous deux avaient fait son portrait. Il avait réuni une collection considérable de meubles, de bronzes, de porcelaines, de tableaux et de dessins : 163 dessins et plusieurs toiles de Watteau, des œuvres de SimonVouet, dePoussin, deVan der Meulen, deMignard, deLe Brun. Une vraie caverne d’Ali Baba.

    Musées en devenir
    Gersaint n’est pas le seul marchand mercier de Paris, mais il est le plus célèbre. Il connaît tous les créateurs, à commencer par les peintres qu’il traite comme des artisans. Ne dit-on pas « gueux comme un peintre » ? Malgré les commandes royales, malgré l’Académie de peinture fondée en 1648, on ne les considère pas comme de véritables artistes. Le duc d’Antin, directeur général des Bâtiments, les tutoie comme ses domestiques. Pourtant, la Cour et la Ville aiment et admirent la peinture. On s’en rend compte le jour de la Fête-Dieu. Selon une très ancienne tradition, des tapisseries, des tentures et des tableaux recouvrent les façades des maisons pendant que des messes sont célébrées en plein air. La paroisse Saint-Barthélemy dans l’île de la Cité attire un monde fou ce jour-là en raison du nombre et de la qualité des œuvres suspendues aux murs de la place Dauphine. Les Parisiens n’y vont pas pour suivre la procession mais pour voir cette exposition plutôt profane. Des membres de l’Académie n’hésitent pas à exposer leurs ouvrages, des collectionneurs en prêtent, et des débutants vendent les leurs souvent pour la première fois, le commerce n’étant pas interdit. En 1718, FrançoisLemoyne a vendu un Persée délivrant Andromède  ; en 1722, on remarqua une Descente de croix de Restout, plusieurs sujets galants deLancret, des sujets animaliers d’Oudry… Une autre année,Rigaud exposa un portrait du cardinalDubois ; les collectionneurs n’hésitent pas à présenter aussi des toiles de maîtres plus anciens. En 1724, pour des raisonsinconnues, l’exposition n’eut pas lieu et le public s’en trouva très déçu. Cette manifestation annuelle associant amateurs, artistes officiels ou inconnus, marchands et simples curieux remporte un succès d’autant plus grand qu’il n’y a pas d’autre exposition régulière.
    Depuis 1727, les amoureux de la peinture peuvent admirer la fabuleuse collection duRégent dans la galerie neuve du Palais-Royal. L’historiographeDubois de Saint-Gelais a publié une Description des tableaux du Palais-Royal donnant de sérieux renseignements sur chaque œuvre et sur son auteur. Jusqu’alors, l’Académie royale de peinture et de sculpture a imposé ses critères esthétiques. Représentant une doctrine et une tradition, ses canons et ses codes doivent être transmis. En devenir membre est une consécration. On n’entre pas facilement dans ce saint des saints. L’impétrant doit montrer ses œuvres et en exécuter une nouvelle. Il appartient aux académiciens de le refuser ou de le recevoir parmi eux. L’élu est alors classé suivant une stricte hiérarchie – peintre d’histoire, portraitiste, peintre de scènes de genre, de paysages ou de natures mortes. Seuls ceux qui exécutent des sujets historiques mythologiques ou religieux, genre noble par excellence, ont le droit d’enseigner. Les commandes prestigieuses leur sont réservées, mais depuis le début du siècle les finances de l’État ne le permettaient pas. Cependant, en 1727, le duc d’Antin a organisé un concours pour choisir le peintre qui exécuterait le plafond du salon d’Hercule au château de Versailles. Plusieurs œuvres des académiciens furent exposées au Louvre dans la galerie d’Apollon ouverte au public, comme si le duc d’Antin avait voulu voir son choix ratifié par le plus grand nombre. FrançoisLemoyne l’emporta malgré l’engouement des visiteurs

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