Le temps des illusions
des cerfs avec Mme deMailly et Mme deVintimille, « tout en billebaude » comme dit le marquis d’Argenson comparant la cour de Fontainebleau à celle du roi Pétau 9 .
Affaires de famille
Les amours royales, les amours princières et les intrigues occupent plus les courtisans que les révoltes de la halle. L’idylle nouée entre MadameHenriette, fille du roi, et Mgr le duc deChartres a été le sujet favori des conversations de l’été. Ce tendre roman encouragé par le roi et par le duc d’Orléans apportait quelque fraîcheur dans ce monde où chacun s’observe sans indulgence. Louis-Philippe, duc de Chartres, tout en rondeur, souriant, le visage épanoui, affiche un air de bonne santé gourmande. Sentimental et sensuel, docile, d’humeur aimable, il ne cache pas ses sentiments pour la sérieuse Henriette qui répond à sa flamme. Ce jeune homme ne ressemble ni à son grand-père, leRégent, et encore moins à son père le duc d’Orléans, le plus étrange des princes de la famille royale. On a parfois insinué qu’il pourrait succéder aucardinal. Certains vantent ses qualités de sérieux et ses connaissances dans les domaines les plus variés.
Le duc d’Orléans est un homme de cabinet. Désespéré après la mort de son épouse en 1725, il n’a pas voulu se remarier et n’a pas manifesté le moindre désappointement à la naissance du dauphin qui le reléguait à la seconde place dans l’ordre de succession au trône. Il n’aspire pas au pouvoir. D’une piété austère, il fuit tous les plaisirs de ce monde. Le Palais-Royal donnant directement sur l’Opéra, il a fait fermer ses loges, refusant de voir les spectacles et empêchant ses officiers d’y assister. On croyait même qu’il voulait transformer la salle de l’Opéra en chapelle ! En 1731, à Pâques, il a fait retraite à l’abbaye de Sainte-Geneviève. Il y retourne régulièrement pour de longs séjours. Il prend ses repas au réfectoire avec les religieux et assiste à tous les offices sans page ni valet de pied. Le public admis dans le chœur vient voir un prince du sang se livrer à ses dévotions. Cette conduite surprend la Cour comme la Ville. La religion n’occupe pourtant pas tout le temps du duc d’Orléans. Il s’adonne à l’étude des lois, reçoit économistes et penseurs politiques, étudie leurs ouvrages, les annote, les commente. Il s’intéresse aux projets de l’abbé deSaint-Pierre, lequel préconise le développement des sciences politiques et souhaite que le souverain s’entoure des meilleurs spécialistes pour le conseiller. Il apprécie ses idées sur la réforme de l’enseignement privilégiant les langues vivantes au détriment des langues mortes. Sensible à son éloge du système anglais, il n’est pas loin de penser que Louis XIV a trop développé la vénalité des charges, privant ainsi de la réussite des hommes de mérite, mais de fortune trop médiocre. En évoquantHenri IV et son projet de diète européenne, l’abbé de Saint-Pierre lui a fait entrevoir une nouvelle conception de l’Europe. Le prince passe des heures à travailler sur des traités d’agriculture, d’urbanisme, de gestion financière, de médecine ou d’artillerie… Ses goûts, son éloignement pour les plaisirs font de lui l’être le plus original de la Cour de France.
Sa réputation de sage et de savant impressionneLouis XV. En 1737, il fut question de le mettre à la tête des affaires, mais le roi y renonça. Le duc d’Orléans fait seulement partie du Conseil en tant que premier prince du sang. Sa principale ambition consiste à voir la situation dynastique des Orléans clarifiée unefois pour toutes. C’est pourquoi le mariage de son fils unique avec MadameHenriette semble assurer la branche cadette (celle des Orléans) contre d’éventuelles prétentions espagnoles. En effet, le dauphin né en 1729 restera le fils unique du roi. En mariant le duc deChartres à Madame Henriette, la maison d’Orléans se verrait, en quelque sorte, adoptée par la branche aînée. Si ledauphin venait à mourir, le duc deChartres époux de Madame Henriette lui succèderait sans difficulté. Tout confit en dévotion qu’il est, Louis le Pieux n’oublie pas que lui ou ses descendants peuvent monter sur le trône de France. Il a d’ailleurs déclaré récemment que « si le dauphin, fils de Louis XV mourait de la rougeole et si l’Espagne tentait de lui disputer la couronne de France, il sortirait l’épée
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