Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
Vom Netzwerk:
par la censure religieuse, il a conçu un manuel de bonne conduite inspiré par une morale du bonheur laïque. Pour illustrer ses propos, il a en outre brossé des portraits à la manière des Caractères de LaBruyère, piquant ainsi la curiosité des lecteurs. Tout le monde a reconnu la reine dans Irène : « Un roc inébranlable. Environnée de flatteurs elle est humble ; dans le centre du tumulte, elle est retirée ; dans un air infecté d’irréligion, sa piété n’est point ralentie ; sous l’éclat pompeux des riches ajustements, elle porte un front modeste. Autour d’elle règnent la dissimulation, le parjure et la trahison ; sur ses lèvres règnent la candeur, la droiture et la sincérité.
    « Mais placez sur le même théâtre la jeune Chloé, poursuit-il ; la licence qui y règne, loin de l’effaroucher, ne fera que seconder ses vues ; on s’y comporte comme elle entend s’y comporter ; plus de circonspection lui serait à charge. Connaissez Chloé d’origine, et vous ne craindrez point que l’exemple la gâte ; son goût décidé pour la volupté avait prévenu les effets de l’exemple et son éducation n’avait fait que fortifier son goût. » On a découvert sans mal la personne décrite sous le pseudonyme de Chloé…
    La critique est féroce contre le malheureuxToussaint. On l’accuse d’impiété et de lubricité. Le jeune baronGrimm a trouvé les mots justes pour expliquer cette levée de boucliers contre l’avocat qui plaide pour une vie meilleure : Toussaint déplaît aux connaisseurs par ce qu’il n’est pas excellent, aux magistrats parcequ’il tourne le culte en ridicule et à la Cour parce qu’on y trouve les portraits de lareine et de la maîtresse duroi.
    De ce livre qui reflète sans doute les aspirations de la bourgeoisie parisienne, il faudra peut-être aussi retenir la définition qu’il donne de ceux qu’on commence à appeler philosophes et qui ne ressemblent plus à ce qu’en disait le dictionnaire de l’Académie. « Dans le langage des collèges, dit-il, les philosophes sont des hommes vêtus d’une robe à larges manches et coiffés d’un bonnet huppé, qui forment la jeunesse dans l’art d’obscurcir la raison par le raisonnement, de donner aux simples hypothèses la teinture de l’évidence et de convertir l’évidence en problème… mais pour tout homme de bon sens, le philosophe est celui qui examine avant que de croire et réfléchit avant d’agir, et quand il est décidé, ne peut manquer d’être ferme dans sa croyance et constant dans ses démarches. »
    Un autre ouvrage vient de paraître anonymement à Genève, mais l’on sait que le président deMontesquieu en est l’auteur. Ce livre, L’Esprit des lois , est le fruit de plus de vingt ans de réflexion. Redoutant la censure qui s’exercerait sur lui, Montesquieu a préféré le faire éditer en Suisse. Pour le public, Montesquieu reste avant tout l’auteur des Lettres persanes et des Considérations sur la cause de la grandeur des Romains et de leur décadence . Les Lettres persanes , plusieurs fois rééditées, ont séduit les foules cultivées tandis que son traité n’a intéressé que les érudits. Montesquieu est connu de toutes les élites européennes. Pendant deux ans, de 1730 à 1731, il a parcouru l’Europe sans aller pourtant jusqu’en Russie. Dans toutes les capitales où il séjourné, il a rencontré des hommes de lettres, des penseurs et la plupart des personnalités politiques. Il voulait comprendre le système politique de chaque État et prenait quantité de notes à la suite de conversations avec ses interlocuteurs. En Angleterre, où il s’est attardé plus longtemps qu’ailleurs, il a fréquenté les membres de l’opposition, assisté aux séances du Parlement ; la Royal Society de Londres l’accueillit et il fut initié à la franc-maçonnerie. À son retour en France, il a poursuivi ses réflexions enrichies par ses nouvelles expériences.
    Dans ce nouveau traité, Montesquieu « veut éclairer l’Histoire par les lois et les lois par l’Histoire ». Considérant que les lois « sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature deschoses », il souhaite les rendre compréhensibles, en saisir « l’esprit », car elles ne sont pas le produit du hasard mais de plusieurs facteurs. Ayant scientifiquement observé les systèmes politiques d’un grand nombre d’États et les sociétés qu’ils engendrent, il constate

Weitere Kostenlose Bücher