Le temps des illusions
est le seul à ne pas vouloir marier le roi dans l’immédiat. On a aussitôt préparé le départ de la princesse.
Le 1 er mars, un courrier partit pour Madrid annoncer à Philippe V la décision prise en Conseil.Louis XV se retira à Trianon pour éviter de faire ses adieux à l’infante. On fit croire à la petite fille que ses parents voulaient la voir et qu’elle reviendrait plus tard à Versailles. Elle s’en alla le 5 avril, persuadée qu’elle partait pour un voyage d’agrément. LorsquePhilippe V apprit le renvoi de sa fille, il exigea que l’on fît les paquets de sabru et ceux de lafiancée de don Carlos. Les deux sœurs prirent sans tarder la route pour la France et les relations diplomatiques furent rompues entre les deux royaumes.
Pendant ce temps,M. le Duc a fait dresser une liste des princesses à marier. Il n’y en a pas moins de quatre-vingt-dix-neuf : vingt-cinq catholiques, trois anglicanes, treize calvinistes, cinquante-trois luthériennes et trois orthodoxes ! Pour chacune, on a noté son âge, ses qualités et ses défauts. Le prince et les membres du Conseil en ont éliminé d’emblée quatre-vingt-deux. Parmi elles se trouveMarie Leszczynska que Mme dePrie a choisie pour M. le Duc. Il est précisé que « son alliance ne convient pas » : elle n’appartient pas à une maison régnante et il serait à redouter d’avoir à abriter son père, sa mère et leur suite aux frais du roi de France 5 .
Le prince a soumis au roi la liste des dix-sept épouses susceptibles de lui convenir. Mais il y a bien des réserves à faire sur la plupart d’entre elles. Les unes ont une mauvaise santé, les autres sont trop jeunes, certaines sont déjà engagées ; les Russes quoique jolies « sont élevées dans des coutumes éloignées de celles de la France » et leur mère est « de trop basse extraction ». Bref, il ne semble rester que Mlle deVermandois, sœur de M. le Duc. Cette jeune fille de vingt et un ans est douée de toutes les qualités propres à devenir reine de France. M. le Duc rêve de cette union qui serait une apothéose pour lui et pour la maison de Condé. D’ailleurs, Mlle de Vermandois est une personne raisonnable, pieuse et plutôt jolie. Elle s’est retirée au couvent, mais n’a pas prononcé de vœux. Mme de Prie est allée lui faire visite pour s’assurer qu’elle lui serait reconnaissante d’avoir soutenu sa candidature auprès de M. le Duc, mais elle est revenue bien déçue. Mlle de Vermandois est une personne autoritaire qui n’a pas l’intention de se laisser mener par qui que ce soit. Mme de Prie a persuadé son amant qu’il risquait de se mettre dans la dépendance de la future reine. En outre, on a répété àM. le Duc que le roi ne pouvait épouser une de ses sujettes. Quant au principal intéressé, il ne manifeste aucune volonté dans cette affaire. Il s’en remet aux décisions de son Conseil. Au moins est-il sûr qu’on lui donnera une véritable femme et non une princesse jouant encore à la poupée !
Comment trouver l’épouse idéale ? C’estMme de Prie qui la désigne. Elle la connaît mieux que quiconque puisqu’elle l’a choisie pour son amant :Marie Leszczynska, la fille de l’ex-roi de Pologne. M. le Duc et sa maîtresse ne peuvent douter de la reconnaissance d’une princesse difficile à marier qu’ils vont installer sur le plus beau trône d’Europe.Louis XV a consultéFleury et accepté sans difficulté ce mariage qu’il annoncera officiellement lorsqu’on aura la réponse duroi Stanislas.
Cendrillon reine de France
Le 2 avril 1725, à Wissembourg, Stanislas Leszczynski sent battre son cœur plus rapidement que d’habitude lorsqu’il aperçoit un messager portant la livrée du duc de Bourbon. Il va enfin marier sa fille ! Son émotion redouble en lisant la lettre du prince. Ce n’est pas le duc de Bourbon qui demande la main de Marie, mais le roi de France,Louis XV en personne. Stanislas n’en croit pas ses yeux. Il court annoncer la nouvelle à sa femme et à la future reine, qui tombent à genoux pour rendre grâces à Dieu d’un tel miracle.
Fraîche et rose, de belle taille, on ne peut pas dire que la princesse soit belle, mais il se dégage de toute sa personne un air de dignité qui pourrait bien devenir de la majesté. Son regard profond n’est pas celui d’une sotte. À vingt-deux ans, Marie est une femme sérieuse, beaucoup plus savante que la plupart des autres
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