Le Testament Des Templiers
essaya bien de mettre un peu d’ordre dans leur action ; il donna le nom de code Escadron 70 au groupe de Bonnet et lui transmit des messages codés de temps en temps. Au milieu de la nuit, ils se retrouvaient dans leur cachette souterraine sous l’autorité du maire et de son adjoint, le docteur Pelay. Bonnet répétait toujours : « Voilà nos priorités : Ruac en premier, Ruac en deuxième, Ruac en troisième. » Et quelqu’un finissait toujours par faire rire en concluant : « Et la France en quatrième. »
L’expérience d’Odile acquise au cours de la guerre précédente se révéla très utile pour les maquisards, et son père l’autorisa à contrecœur à prendre part à quelques-unes de leurs expéditions avec son frère, Jacques. Tous les deux débordaient de force et de santé, ils étaient rapides et athlétiques. Et si Bonnet ne lui avait pas accordé sa permission, Odile se serait enfuie pour rejoindre un autre groupe de maquisards.
Bonnet et le docteur Pelay formaient un bon duo. Bonnet ne parlait pas beaucoup, mais il était capable de prendre les décisions qu’il fallait. Pelay était plus bavard, et les gens du village savaient que lorsqu’ils allaient à son cabinet, il ne manquait jamais de leur rebattre les oreilles. Leur maquis eut bientôt une réputation d’efficacité et de barbarie totale. On racontait qu’ils combattaient les Boches avec une sauvagerie et une cruauté quasi surhumaines. L’Escadron 70 était connu pour réduire ses victimes nazies en une charpie sanglante et la division SS Panzer Das Reich, à qui l’on avait confié la mission de nettoyer la Dordogne, craignait ce groupe de maquisards par-dessus tout.
Au cours d’une de leurs sorties mémorables, Bonnet se mit en tête que sa bande serait chargée des rétorsions après un massacre de civils français dans le village voisin de Saint-Julien. À la recherche des maquisards soupçonnés d’avoir trouvé refuge dans les forêts environnantes, une unité Panzer avait encerclé l’agglomération. Tous les hommes du village furent rassemblés dans la cour de l’école et on exigea qu’ils fournissent des renseignements sur les partisans. Personne n’en ayant donné, les dix-sept hommes, parmi lesquels un garçon de quatorze ans qui tenait la main de son père, furent exécutés d’une balle dans la nuque.
Deux semaines plus tard, un groupe de quatre-vingt-deux Allemands fut capturé par les maquisards à cinquante kilomètres à l’ouest de Bergerac, et transporté dans les baraquements militaires Davoust à Bergerac, un repaire de la Résistance.
Un dimanche, Bonnet et Pelay pénétrèrent dans le camp et, sous un faux prétexte, firent sortir dix-sept soldats allemands de leurs cellules. Ils furent embarqués dans des camions conduits par des hommes de Ruac. Ceux-ci s’en prirent violemment à leurs prisonniers, et les torturèrent pendant le trajet entre Bergerac et Saint-Julien, en leur racontant ce qui allait leur arriver.
Quand les Allemands furent rassemblés dans la cour d’école où les civils avaient été massacrés, les prisonniers connaissaient déjà leur sort et, terrorisés, ne pouvaient plus se retenir d’uriner. La présence d’Odile, une jolie femme, ne leur remonta en rien le moral, car, à l’égal des hommes, elle brandissait une hache à long manche. Bonnet s’adressa alors personnellement aux condamnés, les maudissant pour leurs crimes, et leur dit qu’ils allaient souffrir avant de mourir.
Un déluge de coups de hache s’abattit sur eux, en commençant par les bras et les jambes, et les dix-sept hommes furent sommairement massacrés.
Bonnet finit par apprendre que l’Escadron 70 avait attiré l’attention des chefs de l’armée française libre et du général de Gaulle lui-même. On demandait à le voir.
Comme Bonnet détestait voyager, il dépêcha le docteur Pelay à Alger, et l’homme fut pris dans un tourbillon et fêté par les dirigeants du Comité français de la Libération nationale, les généraux Charles de Gaulle et Henri Giraud, qui louèrent le travail de l’escadron de Ruac, le maquis le plus violent de France.
Pelay rentra avec une médaille, dont Odile pensait qu’elle aurait dû revenir à son père mais, au lieu de cela, Pelay l’arborait fièrement sur son veston.
En juillet 1944, Bonnet et Pelay disparurent pendant une semaine pour faire la liaison avec un groupe de commandants du maquis à Lyon. À leur retour, ils
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