Le tombeau d'Alexandre
cité. Vous connaissez Gabbari ?
— Non.
— C’est immense. Une véritable cité des morts. Et il y a aussi Chatby et Sidi Gaber. Mais cela n’a pas suffi. Surtout après l’essor du christianisme.
— Pourquoi ?
— Avant l’époque du christianisme, de nombreux Alexandrins optaient pour l’incinération. Vous voyez ces niches dans les murs ? Certaines ont été conçues pour des urnes, d’autres pour des cercueils. Les chrétiens croyaient en leur propre résurrection. Ils avaient donc besoin de leur corps.
— Alors c’est une nécropole chrétienne ?
— C’est une nécropole alexandrine, répondit Ibrahim, où reposent des fidèles des dieux égyptiens, grecs et romains, des juifs, des chrétiens et des adeptes de toutes les religions du monde.
— Qu’allez-vous faire de ces dépouilles ?
— Nous allons les étudier. Elles nous renseigneront sur les habitudes alimentaires, la santé, les taux de mortalité, les métissages ethniques, les pratiques culturelles et plus encore.
— Vous les traiterez avec respect ?
— Bien sûr, mon ami, bien sûr.
Ils sortirent et s’engagèrent dans une autre salle.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Augustin.
Accroupi, il pointa sa torche sur un trou donnant accès à un petit escalier qui descendait dans l’obscurité.
— Je ne sais pas, répondit Mohammed en haussant les épaules. Je ne l’avais pas remarqué.
Ibrahim se baissa pour se faufiler dans le trou et Mohammed dut se mettre à quatre pattes. Ils débouchèrent dans ce qui semblait être la tombe d’une famille aisée, divisée en deux parties par une rangée de quatre piliers et pilastres sculptés. Cinq sarcophages de pierre de différentes tailles, tous décorés selon une variété de confessions et de styles qui n’était pas rare dans l’Alexandrie gréco-romaine, étaient disposés contre les murs. Un portrait du dieu grec Dionysos était sculpté dans le calcaire au-dessus des incontournables divinités égyptiennes : Apis, le dieu taureau, et Anubis, le chacal. Plus loin, Sérapis, une divinité introduite avec succès en Égypte par les Ptolémées, était entouré de têtes de Méduse et de disques solaires. Au-dessus de chaque sarcophage, une niche en pierre abritait un canope, qui contenait peut-être encore l’estomac, le foie, les intestins et les poumons du défunt. D’autres objets étaient également alignés sur des rebords taillés dans les murs : lampes funéraires, amphores, scarabées, et bijoux en argent et en bronze sertis de pierres mates.
— Merveilleux, murmura Augustin. Comment tout cela a-t-il pu échapper aux pilleurs ?
— L’entrée était peut-être cachée, suggéra Ibrahim en donnant un . coup de pied dans les débris de plâtre. Elle a pu être dégagée par un séisme ou simplement par le passage du temps.
— C’est ancien ? demanda Mohammed.
— I er siècle après Jésus-Christ, risqua Ibrahim en regardant Augustin. Peut-être II e siècle.
Ils atteignirent la nappe phréatique. Les marches, qui disparaissaient mystérieusement sous l’eau, menaient sans doute à d’autres salles. Le niveau de l’eau avait varié considérablement au cours des siècles. Avec un peu de chance, les pilleurs n’avaient pas pu aller plus loin et les tombes étaient restées intactes. Augustin s’accroupit et effleura la surface de l’eau.
— On a le budget pour une pompe ? demanda-t-il.
Ibrahim haussa les épaules. Le pompage était cher, bruyant, salissant et, bien souvent, complètement inefficace. Il faudrait faire passer un gros tuyau le long de l’escalier et dans les galeries, ce qui gênerait les principales opérations de fouille.
— S’il le faut...
— Si vous voulez que j’explore les lieux d’abord, il va me falloir un partenaire. Cet endroit est un vrai piège à rats.
— Tout ce que vous voudrez. C’est à vous de voir.
IV
Nessim approchait du canal de Suez lorsque son portable sonna.
— Oui ?
— C’est moi, répondit une voix d’homme.
Nessim ne reconnut pas son interlocuteur mais se garda bien de poser des questions. La veille, il avait contacté beaucoup de personnes, qui ne se vantaient pas d’être en relation avec Hassan. Les portables n’étant pas sûrs, il fallait se considérer sous surveillance à tout instant.
— Vous avez trouvé quelque chose ?
— Nous avons un dossier sur votre homme.
Ah ! C’était le service de la Sécurité
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