Le tombeau d'Alexandre
ans plus tard, lorsque les Macédoniens sont arrivés, le temple et le sarcophage étaient vides. Et quand Ptolémée a ramené la dépouille d’Alexandre à Memphis, il a fallu qu’il la mette quelque part en attendant de lui faire construire une tombe à Alexandrie.
— Tu penses qu’il a utilisé le temple et le sarcophage de Nectanébo ?
— C’est possible, non ? Ce n’était peut-être que provisoire au départ, bien qu’Alexandre soit finalement resté des dizaines d’années à Memphis. On ne pouvait pas improviser une tombe pour un homme comme lui en un week-end. De plus, l’équipe de fouille a trouvé à l’extérieur du temple des statues de grands écrivains et penseurs grecs, comme Platon, Pindare et Homère. Et tu sais qu’Alexandre avait la plus haute opinion d’Homère.
— Oui, il existe une anecdote célèbre à ce propos. Alexandre aurait dit à un messager hors d’haleine venu lui annoncer une bonne nouvelle qu’il ne voyait pas ce qui pouvait provoquer une telle excitation à moins qu’Homère lui-même ne soit revenu à la vie.
— Et puis les Macédoniens ne savaient pas lire les hiéroglyphes. Ce n’était donc pas un problème. Cela expliquerait également que le sarcophage ait atterri à Alexandrie. Il faut voir le morceau... On ne l’aurait pas déplacé pour le plaisir. Mais une fois Alexandre dans sa cité, pour que tout soit parfait, il restait à lui faire bâtir un mausolée.
— C’est également plausible d’un point de vue égyptien, reconnut Gaëlle. Ptolémée a tout fait pour mettre les prêtres égyptiens dans sa poche. Et le clergé pensait qu’Alexandre était le fils de Nectanébo II.
Knox fronça les sourcils.
— Tu ne crois quand même pas à l’histoire du Roman d’Alexandre !
Le Roman d’Alexandre était un best-seller de l’Antiquité, attribué dans un premier temps à Callisthène et aujourd’hui à un auteur anonyme désigné sous le nom de Pseudo-Callisthène. Il était rempli de toutes sortes d’approximations, d’exagérations et d’absurdités concernant Alexandre, dont cette histoire selon laquelle Nectanébo II était un enchanteur qui s’était introduit à la cour macédonienne pour séduire Olympias, la femme de Philippe, et engendrer Alexandre.
— Il n’y a pas que ça. Quand il a vaincu les Perses à la bataille d’Issos, Alexandre n’est pas devenu de facto souverain d’Égypte. Aux yeux des Égyptiens, sur le champ de bataille, il a prouvé qu’il était le successeur légitime de Nectanébo. La mission d’un pharaon était de restaurer ou de maintenir la paix sur le territoire, et c’est ce qu’Alexandre a fait. Sais-tu que les Égyptiens l’appelaient « Celui qui chasse les étrangers », exactement comme Nectanébo ? C’était un de ses noms de trône.
— Je croyais que tu ne connaissais pas Nectanébo ! protesta Knox.
— J’ai dit que je le connaissais un peu, rectifia Gaëlle en souriant. C’est peut-être beaucoup pour les Anglais, mais pas pour les Français.
Il éclata de rire et l’entraîna dans une autre rue pour rejoindre la Corniche en regardant de nouveau autour de lui. L’homme, toujours pendu à son portable, réapparut derrière eux. Ce n’était pas une petite conversation... Knox se sentit de plus en plus mal à l’aise. Le bruit de leurs pas résonnait sur le trottoir. Il constata combien ils étaient seuls. Voyant que Gaëlle le regardait bizarrement, il se ressaisit.
— Alors tu crois que l’histoire du Roman d’Alexandre est crédible ? demanda-t-il.
— Non, bien sûr que non. Nectanébo n’est sans doute jamais allé en Grèce. Mais je pense qu’elle a pu être populaire parmi les Égyptiens et peut-être même encouragée par Alexandre, qui savait emporter l’adhésion de tous. Alexandre pourrait être à l’origine du proverbe « À Rome, il faut vivre comme les Romains ». J’ai toujours pensé que c’était en partie pour cette raison qu’il était allé consulter l’oracle d’Amon, à Siwa. Tout le monde part du principe qu’il l’a fait pour que les Grecs croient en sa mission et en sa divinité puisque, pour eux, il s’agissait de l’oracle de Zeus Ammon. Il faut dire que ses biographes étaient essentiellement grecs. Mais on oublie que, pour les Égyptiens, Siwa était depuis des siècles l’oracle d’Amon-Rê. Tous les pharaons de la vingt-septième dynastie s’y sont rendus pour faire reconnaître leur
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