Le tombeau d'Alexandre

n’était qu’une question de temps. Alexandre a donc poursuivi le siège de la cité. Il a bâti une digue et des tours de siège de cinquante mètres de haut. Puis il a mené lui-même l’attaque en ouvrant une brèche dans les remparts.
    — Et il a massacré la population, ajouta Gaëlle sèchement.
    Knox la regarda.
    — Il a épargné ceux qui s’étaient réfugiés dans les temples.
    — Oui, mais il a tout de même tué deux mille survivants en les clouant sur des croix.
    — Peut-être.
    — Il n’y a pas de peut-être, rétorqua Gaëlle. Relis tes sources.
    — Les Macédoniens crucifiaient souvent les criminels déjà morts, expliqua Knox calmement. Comme les Britanniques les pendaient à la potence. Pour décourager les autres.
    — Oh ! Et de quoi les Tyriens s’étaient-ils rendus coupables ? Ils n’ont fait que défendre leur cité.
    — Avant d’assiéger Tyr, Alexandre a envoyé des hérauts pour engager des négociations. Apparemment, les Tyriens étaient si sûrs que leur cité était imprenable qu’ils les ont massacrés avant de jeter leurs corps par-dessus les remparts en se moquant des troupes macédoniennes. Alexandre n’a pas apprécié. C’était contraire au code de la guerre. Il ne pouvait pas les laisser s’en tirer à bon compte après ce qu’ils avaient fait.
    Knox regarda de nouveau Gaëlle, intrigué par quelque chose.
    — Cette tombe était vraiment somptueuse pour un porte-bouclier, tu ne trouves pas ? Une avant-cour, une antichambre, des colonnes ioniques, une façade sculptée, une porte en bronze, des peintures héroïques... Cela a dû coûter une fortune.
    — Alexandre payait bien.
    — Pas à ce point. Et puis, c’est de cette façon qu’on enterrait les rois macédoniens. Tout cela me paraît, je ne sais pas, présomptueux.
    Gaëlle hocha la tête. Elle avait la même impression.
    — On soulève le socle demain après-midi. Peut-être qu’on trouvera quelque chose. Tu seras là ?
    — J’en doute, malheureusement.
    — Mais il faut que tu viennes ! C’est toi qui as deviné qu’il y avait quelque chose au-dessous.
    — Je ne peux pas...
    — Je ne comprends pas, qu’est-ce qui passe ?
    Gaëlle avait les yeux remplis d’incompréhension et de sollicitude. Knox sut qu’il ne pouvait pas tergiverser plus longtemps. Il recula un peu, pour lui montrer que le sujet allait être difficile à aborder.
    — Tu sais, je t’ai dit qu’il fallait que je t’avoue quelque chose.
    — C’est encore ce foutu Knox ? C’est ton meilleur ami, c’est ça ?
    — Pas vraiment.
    — Je ne veux pas que ce soit un problème entre nous. J’aurais mieux fait de me taire hier soir. Vraiment, je me fiche complètement de ce type. Je ne l’ai même jamais rencontré.
    Knox la regarda droit dans les yeux, jusqu’à ce qu’elle commence à comprendre.
    — Si, tu l’as rencontré, dit-il.

Chapitre 14
     
    I
    Il fallut un moment à Gaëlle pour assimiler pleinement ce que Knox venait de lui dire. Puis ses traits se durcirent.
    — Sors d’ici, lança-t-elle.
    — S’il te plaît, supplia Knox. Laisse-moi...
    — Sors immédiatement.
    — Écoute, je sais ce que tu ressens, mais...
    Elle alla jusqu’à la porte et l’ouvrit brusquement.
    — Dehors ! cria-t-elle.
    — Gaëlle, laisse-moi t’expliquer.
    — Tu l’as déjà fait. Tu m’as envoyé une lettre, tu te souviens ?
    — Ce n’est pas ce que tu crois. S’il te plaît...
    Le concierge, qui avait entendu du tapage, se rendit jusqu’à la chambre de Gaëlle. Il saisit Knox par un bras.
    — Vous partez, dit-il. J’appelle police.
    — D’accord ! s’écria Knox d’un ton irrité en essayant de dégager son bras.
    Mais l’homme le tint fermement jusqu’à l’ascenseur en prenant un malin plaisir à le serrer de toutes ses forces. Il le poussa à l’intérieur et appuya sur le bouton du rez-de-chaussée avant de fermer lui-même la porte grillagée.
    — Pas revenir, menaça-t-il le doigt en l’air.
    L’ascenseur descendit en trépidant. Knox était encore tout étourdi par ce qui venait de se passer lorsqu’il arriva dans le hall et sortit de l’immeuble. Décontenancé par l’hostilité et la colère de Gaëlle, il eut la désagréable surprise de découvrir à quel point cela l’avait touché. Il tourna à droite, puis encore à droite, et remonta la ruelle située derrière l’hôtel, transformée en parking, comme tant d’autres à Alexandrie. Il